HISTOIRE PHYSIQUE
D E L A M E R .
S ECONDE PARTIE.
T)E S O N E AU .
La Couleur
& le goût de
l'eau, deux
chofes à y
remarquer.]
Le gout en
eftfalé, &
amer.
La Couleur
naturellede
l’eau.
E divife le Corps de cette Eau, dans fa vafte profondeur,
en fiiperficielle, moyenne, & profonde. La
fiiperficielle comprend la troifiéme Partie de l’Eau,
la moyenne comprend l’autre tiers, & la profonde
tout ce qui relie jujques au lit. J’ai été obligé à cette
divifion, par la differente nature , qu’à ces trois diverfes profondeurs
l’on obferve dans l’Eau falée. L a fiiperficielle eftplus légère, que
la profonde , mais la moyenne eft fort peu differente des autres ;
c’eft pourquoi pour éviter la confufion, & pour ne pas ennuyer, je
n’en ferai aucune mention ; je me tiendrai feulement aux deux
diftinétions de fiiperficielle, & de profonde, lefquelles j ’obferverai,
avec exactitude, dans l’examen de la nature de cette Eau.
O n doit diftinguer en elle les Couleurs & les Goûts. Les Couleurs
font elfentielles, confiantes, accidentelles, & apparentes par
les diverfes reflexions.
L e Gout eft toujours efîentiellement falé, & amer, mais en dif-
fereAs degrez, que caufont ou les diverfes profondeurs, ou les Eaux
douces qui s’y mêlent, par les Torrens, & les Fleuvesj qui coulent
dan s la Mer par la fùperficie de la T erre, ou par l’interieur.
S a Couleur naturelle & fiibftantielle eft claire d’elle-même, &
plus brillante qu’aucune autre forte d’Eau de Fontaine, ou de Citerne
que j ’aye comparée avec elle. Il eft vrai qu’on ne fauroit
y reconnoître cette clarté , dont je parle, tant qu’elle demeure dans
le Baflîn de la Mer, qui lui donne toutes ces Couleurs apparentes,
que j ’expliquerai. Il faut, pour cela, la pofer dans un vafè de verre
, qui ne reçoive point de réflexion, parce que ce font elles qui
caufent toutes ces Couleurs fùpofées.
D E L à M E Ri P a r t i e 1È
L es feaux fuperficielles, en plufieurs endroits, ont fubfiaiitielle- L b i i à
inent la couleur trouble & cendrée, cela provenant du mélange des f * 5 * 3 *
Torrens, & des Rivières, comme on le voit clairement à cinq milles
au large du côté du Midi j en face de l’embouchure dü Rhône,
qui par divers Canaux fe jette dans la Mer. Dans les endroits j qui
font marquez fur la Carte, on voit fa fùperficie de deux Couleurs *
trouble & bleue. Ce trouble efTentiel lui eft donné, par la nature
de l ’Eau du Rhône, & ce bleu apparent par la réflexion du fond ;
comme cela arrive univerfellement dans la vafte étendue de la Mer *
& les Vents refferrent, & dilatent l’étendue de ces couleurs • car fi LésVeh«
les vents de Mifjral ou de Tramontane fouflent à l'embouchure dü
Rhône la couleur trouble s’élargit, & fi ce font des vents oppofez C°UleUr*’
a ceux-là, l ’efpace de cette Couleur devient plus étroit.
O n trouve dans les Eaux profondes, comme font, par exemple
celles de l’abîme tirées d’une profondeur de i jo Brades, une cou-
leur claire cendrée, & moins obfcure, que celle de la fùperficie
qui eft troublée par le mélange des Rivières, de la maniéré que j’ai
décrite. ^ J
Il m’eft arrivé plufieurs fois de rencontrer, dans le même
lieu, & à la même profondeur, mais en differens tems, un changement
dans la Couleur cendrée ; étant tantôt plu s, & tantôt
moins chargée. Je connus par là que, dans le fond de la Mer
il doit y avoir quelque caufe intérieure qui augmente, & qui diminue
les Couleurs de cette Eau profonde, & que ce ne peut être que
es ecoulemens foûterrains des Fleuves, qui vont s’y rendre de
la meme maniéré, que nous voyons qu’ils font par la fùperficie
de la Terre. J’ai fait voir qu’il y a de ces Fleuves foûterrains
par les observations que j ’ai faites d’un de ceux-là, dont on peut
voir la defcription dans la partie du Baflîn de-la Mer.
* «eJ ï'UXLl^ul^rcs ; de ces cou- des Couleur
leurs ont des afpeéts tantôt agréables, tantôt affreux,- mais toûiours
purement apparents, n’étant formez que par les réflexions ou
re raéhons des rayons du Soleil, caufées par les Nuages, ou par le
fond de la Mer ou bien par la brifure de fa figure naturelle, & ordinaire
contre les Corps folides qu’elle heurte.
L a Couleur claire, que j ’ai décrite, étant dans fon Baflîn na- „ •
laT cn ^ T C ^ ' / T 2 be3UC0UP defondsécIai^ J & dans
endroits , ou le fonds eft médiocre, elle devient fort variée,- réto<“ -