Les fluides
ne s’imprégnent
que
d’une certaine
quantité
de'la fubftan-
ce qu’ils TÜf-
folvent.
L ’eau de la
mer peut dif-
foudre plus de
fel, qu'elle
n’en contient.
La Mer communique
une
partie de Ton
fel aux eaux
des Fleuves
qu’elle re-
çoit,
Les animaux
& les plantes
en abforbent
auffi une partie.
L ’air en con»
fomme une
£âtie.
30 H I S T O I R E P H Y S I C L U E
une demi-dragme de plus, que l’eau de Mer. Cela vient peut-
être de ce que l’eau inftpide a les pores plus ouverts, que l’autre,
qui fe trouve embarraffée par cette onétuofité, que lui donne le Bitume,
& qui l’empêche d’attirer une auffi grande quantité de Tel.
C ’ e s t une propriété de tous les fluides & principalement de l’eau
de s’imprégner de la fubftance, qu’ils diffolvent, & dans la quantité
, qu’ils peuvent contenir ; fur tout lors qu’ils ont la liberté de laver
continuellement cette fubftance , ce que j ’ai dit être vrai-
femblable en ce que fait l’Eau de la Mer , dans fon Baffin, fur les
lignes de f e l , difpofées de la maniéré que j ’ai montrée en parlant
de fa ftruéture.
L ’ E x p e r ie n c e nous a fait pourtant toucher au doigt que
l’Eau de Mer pourroit contenir trois quarts de fel de plus, que nous
ne lui en trouvons, par le moyen du feu. Ce défaut évident doit
s’attribuer, félon moi, à une autre caufe que le peut être celle-ci,
lavoir, que l’eau n’ait pas diflous cette entière quantité de fel, qu’elle
eft capable de contenir en elle-même ; puis qu’elle ne peut agir contre
fa propriété naturelle, qui eft de diflbudre & d’abforber, & contre
celle du fel qui eft de fe laiffer diflbudre & abfbrber, lors qu’il
trouve une malle d’Eau, qui a cette qualité. Je crois que véritablement
l’eau en a pris ces trois quarts, que nous voyons en quelque
forte lui manquer, puis qu’elle le peut contenir ; mais que cela s’efl:
diffipé en d’autres ufages, que la Nature exige d’elle, pour l’entiere
économie du Monde.
O u t r e ees efpaces, qui fe trouvant vuides peuvent recevoir une
portion du fel, que l’Eau de la Mer a attirée à foi, les eaux infipides
des Fleuves, que nous voyons, par un écoulement continuel tant
par la fuperficie , que par l ’interieur de la Terre , fe rendre dans la
Mer, lui en prennent une partie, qu’elles obligent de leur communiquer
par leur mélange ; & comme ce mélange ne cefle point,
les eauX de la mer ne ceflent point non plus de leur diftribuer une
partie convenable de ce fel qu’elles fondent.
L es animaux & les plantes, qui font dans la Mer,abforbent auffi
une portion de ce fel qui fert aux uns pour leur vie , & aux autres pour
leur végétation.
O n peut dire de plus que l’air en confomme une partie proportionnée
au befbin, qu’il a duNitre,qui doit fervir fur la Terre à l’aliment
des animaux, & des plantes ; filtrant cette partie en lui-même,
pour en féparer les parties fubtiles & fpiritueufes des crafles,
dont
D E L À M E R . P a r t i e II. 3*
dont il n’a que faire. Cette idée a fans doute befoin d’un nombre
d’Experiences, que j ’ai projetées en moi-même, & que je ferai lors
qu’avec la commodité de mon Cabinet, où il y a un aflortiment
complet de tous les fels, je pourrai faire la comparaifon de leur
nature. Il m’eft pourtant arrivé une chofe, en l ’examen de celui de
la Mer, qui peut donner beaucoup à penfer fur ce que j ’avance
que le Nitre exiftant dans l’air, tire fon origine de celui de l’eau.
J’ a i déjà dit que je diftinguois les Eaux, en fuperficielles & pro- Expérience
fondes. Je fuis cette même divifion pour le fel. Ayant donc mis q Z T sL
ces differents fels en du papier bleu, j’a iv û , que ceux qui avoientticnt dufcl
/ # - i 1 r r • 1 1 , . - 1 marin* ete tirez de la fuperficie de 1 eau avoient changé le bleu du papier
en rouge, ce changement étant un peu moins fenfible, que celui,
que caufe le N itre ; & au contraire le fel des Eaux profondes n’a donné
aucune marque de cette rougeur. J’ai trouvé le même effet dans
les trois Eaux de Caffidagne, Châteauvieux, & Port Miou, defquel-
les j ’avois tiié les fels en la maniéré ordinaire.
L e papier bleu ne peut changer de cette couleur, que par l’ope- L ’acide rou-
ration & la force d’un fùc acide, qui doit aprocher, dans le fel com- “eu,®gjs»
mun, de celui du Nitre; & cet acide, fùivant les expériences réitérées
, fe trouve feulement dans le fel de l’eau fùperficielle, en n’enfonçant
le vafe dans la Mer, qu’autant qu’il eft néceflaire pour le
faire remplir d’Eau, laquelle de cette forte n’eft que fùperficielle,
le vale ne pouvant pas même s’enfoncer plus d’un demi pied.
L a caufe de cet acide, dans le fel de l’eau de la fuperficie, qui La au* a»
ne fè trouve pas dans celui du fond, peut provenir de l’air. On * *Q *
peut douter s’il mêle parmi le fel de l’eau une partie du Nitre qu’il
contient; ou fi, par les rayons du Soleil & l’agitation des ondes le
Nitre,qui naturellement doit fè trouver dans le fel de Mer,fè dévelo-
pe des parties crafles, & qu’ai ors étant fùbtilife il entre par une iru
fenfible exhalaifon dans la Mafle de l’air, qui pour fournir un aliment
continuel aux Animaux & aux Plantes de la Terre en retire une
quantité proportionnée à celle, qu’il laifle fortir principalement en
certains lieux; comme dans les Plaines de Hongrie, où la Terre
boit avidement cette vapeur nitrée à peu près comme les éponges
font l’eau.
V o i l a l’ébauche d’une penfée, que quelques oblèrvations acci-
«îentelles m’ont fait naître. Elle devroit être fùivie de plufieurs autres,
& peut-être que je ne me dédirois pas de les entreprendre, fi
je me trouvois en un autre état, que celui d’un fimple voyageur. Je
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