de la même réferve à l’égard des feules recueillis
dans le même pays, mais à desexpofitions & dans
des terrains de différente nature. L'on fait qu'il
eft peu de plantes fur lefquellts les circonftances
focales aient une plus grande influente > mais on
pourra prononcer plus affirmativement fur les efpèces
nées dans des pays très-éloignés les uns des
autres. Ainfi les feules de l'Amérique , d^ l’Afrique
& de l’Afie feront bien certainement diftingués
de ceux de l'Europe, quoique fouvent très-rap-
prochés, à moins qu’ils n'habitent les mêmes localités,
furtout le fommet des hautes montagnes £
tandis que les feules d'Europe, recueillis dans des
localités très-bornées, rrès-diftinéts par leur port
ou par d'autres caractères peu tranchés , pourront
bien ne former que des variétés.
Je n’en citerai qu'un exemple pris dans l'ouvrage
de M. Decandolie. Cet auteur penfê que 1 e falix fi-
lefiaca Willd. doit être réuni au falix ammanianaàxL
•même Suppl, 3 il \e nomme falix ftylofa, Flor. franç.
pag. 339, & ajoute pour fynonymie falix ftylaris ,
Ser. Elf. pag. 6o 3 — pkylicifolid , Smith, Flor.
brit. 1049; — falix haftata, Hoppe, Centur. exf. j
— appendiculatayViW. Dauph. 3, pag. 775, tab. JC,
fig. 19? Il préfente pour cette feule efpèce les variétés
fuivantes :
a. Lancifolia Ser., dont les feuilles font ovales,
lancéolées, & qui comprennent pour fous-variétés
les falix aubonnenfes y —- ammantana,.— denudata,
— Hrma , — mont aria, — ligu froides >— macro-
f ipularisy — pumila , — rivulans, — rofirata , —
fe'ileickeriana , — filefiaca, .-i- fordida , Sçhieicb.
Tonientofa Ser., qui a les feuilles ovales, &
les fupérieures très - cotonneufes 3 c’eft 1 e' falix
mefpilifolia Schleich.
y. Angafifolia Ser. Ses feuilles font étroites,
lancéolées , point dentées, peu ondulées. Elle
comprend les falix arbu feula , — pallida & vauden-
Jis Schleich.
1 Vndulata Ser., dont les feuilles font lancéolées
, acumicées. fortement dentées & ondulées
fur les bords. Elle renferme les falix undulata te
peclinato ferrât a SchLich.
£. Ovata Ser. Ses feuilles font ovales & affez
larges. Ici fe rapportent les falix candidula , —
concolor, — cotinifolia , — gnfophylla , — gryo-
nenfis, — malifolia. — microdqntà , —- nigrefeens ,
— patula, — polyphylla, — tenuifolia , — yacci-
noides Schleich.
Cordifolia , qui a les feuilles ovales , un peu
échancrées en coeur à leur bafe. On doit y rapporter
les falix alnifolia , — tomentofa , — dura , —
frangula, — pyrifolia, — tili&folia, & , félon M.Ss-
ringe , le falix Halleri Schleich.
jj. Elliptica Ser. , difiingué par fes feuilles
prefqu’exaClemer.t elliptiques. 11 fe ccmpofe d.es
falix alaternoides , — alaternoideslatifo'ia , — al-
befeens , —s-, albefeens major , — coriacea , -7- crajfi-
folia , — glaucophylla , — pfloçarpa Schleich.
Outre ces variétés, peut-être faudra-t-il encore
y ajouter les falix dijfufa‘} —— heteropyhlla} —1 le-
mana , — lutefeens, — rugulofr, — vallifiaca te
varians Schleich.
Beaucoup d’autres efpèces offrent également un
plus ou moins grand nombre de variétés qui augmentent
les difficultés. #
' 1 50. Dans la critique que M. Paulet a faite de
l’ouvrage de M. Sra^khoufe fur Théophrafte, on y
trouve le falix capr&a, foupçonné d’appartenir au
C oloutea de Théophrafte , du mont Ida de
Phiygie. M. Paulet appuie fon opinion fur ce que
Théophrafte dit de cet arbre, fevorr, qu’il eft
rameux & rare, à grandes feuilles de laurier,
mais plus arrondies te plus amples, çfe manière à
reifembler encore plus, à celles de l’orme mais
plus longues , liffes Se vertes en deffus , blanchâtres
en deffous, à nervures fines Se comme anafto-
mofées, à écorce rude, comme celle de !a vigne,
à racines grêles Se jaunes , & à bois dur & detife.
On croît, ajoute Théophrafte, que cette plante
manque de fleurs & de fruits 3 cependant elle a
comme des chatons de fleurs. M. Paulet appuie
encore fon opinion fur l’étymologie du mot cèlou-
tea , compofé du nom grec zr*<r( faule ) , te kolas
( mutilé , tronqué) , à raifon de .quelques reffern^
blances entre les faules S i deux autres coloutea de
Théophrafte, que M. Paulet penfeêtre , l’une, le
cityfus laburnum Linn. , S i l’autre le colutea arbor
rejeens. On fe demande avec étonnement quelle
peut être cette reffevnblance .entre ces deux arbres
& le falix capta.a ? Unfavant aufti diftingué que
M. Stackhouledevroitêcre combattu avtc d’autre«
armes, te furtout avec plus d’honnêteté.
* *
En jetant un coup d’oeil fur la férié intéreffante
des diverfes efpèces de faules, nous y retrouvons
cette variété admirable qui caraéterile les productions
de la nature, te qui procure à l’homme-tant
de jouiffances agréables. Quelle beauté, quelle
élégance dans notre faule blanc , fi commun partout
! A l’afpeél de fon feuillage d’un vén argenté,
luîfent &.foyeux , le voyageur qui s’eft repofé
fous les beaux protea du Cap de Bonne-Efperance,
s’y croit tranfporté de nouveau. Trop négligé
parmi nous, cet. arbre n’éprouve notre indifférence,
que parce qu’il eft né dans nos contrées ,
qu’il y croît avec une grande facilité. On le relègue
dans les bourgs & dans les campagnes, &
nous ne lui permettons que très-rarement l’entrée
dans nos jardins de plaifance.
Mous y avons introduit le feule pleureur : il
méxitoit d’y être admis 5 & par un lentimeiu de
fenGbilité qui honore le coeur humain , il tft forti
de nos bofquets pour orner ia tombe de ceux dont-
nous pleurons la perte. Il femble que ce l«it dans
l’homme un befoin , une forte de jouiflâneë* de
chercher, dans les objets qui l’environnent, l’image
allégorique de fes affrétions. De tous les êtres de
nature , aucun ne lui en offre davantage que les
plantes : les fleurs lui fourniffent des guirlandes
pour fes jours de fêtes 3 le laurier ceint le front
du guerrier 3 le lierre celui des poètes, & le
myrte couronne la tête des amans heureux. La
douleur a aufti fes emblèmes : long-temps le cyprès
a ombragé les tombeaux > mais la vue de fon feuillage
épais, d’un vert-fombre, l’obfcurité qu’il répand,
fembient n’infpirer que i’affreufe idée d’une
mort éternelle ; rien en lui n’exprime le fentimént
de notre douleur. Les âmes fenfibles lui préfèrent
le feule pleureur : il annonce d’une manière bien
plus touchante, les regrets, l’affliétion3 il infpire
une mélancolie en quelque forte plus fentimentaiej
fi ne porte point une cime élevée, mais fa tête s’incline
> elle eft chargée de rameaux longs , fouples
te pendons 5 elle offre l’image d’un être accablé de
douleur, dont la tête penchée fur une urne fépul-
crale la recouvre d’une longue chevelure éparfe &
négligée. Son feuillage touffu, d’un beau vert,
foulage Lame dans fon affiiélion 5 celui du cyprès
la'déchire, & n’offre que le crêpe ténébreux de la
mort. On me-pardonnera fans doute de confscrer
quelques lignes à faire fentir le rapport que nous
avons établi entre certaines plantes & nos affections
5 elles repofent un iriftant le leéleur de la fé-
chereffe que néceflitent nos défections. Je plains
celui qui me le reprocheroit.
. Mais que nos bofquets ne nous faflfent point
perdre de vue la nature 5 renrrons-y pour fuivre
cette férié de faules-ofièrs, fi variés dans les terrains
que l’eau vient inonder , & qui livrent aux
snains induftrieufes de l’homme leurs rameaux dociles.
Voyons les faules-marfeaux s’élever graduellement
du bord des ruiffeaux .jufque fur les hauteurs,
gagner lés forêts, en devenir les habitans 3
& fi nous vifitons le fommet des montagnes alpines
, quelle fera notre furprife d’y trouver encore
des faules pour dernier terme de la végétation ?
A la vérité ce.ne font plus ces mêmes arbres qui
nous couvroient de leur ombre dans les prairies
entre-coupées de ruiffeaux. Là, nous ne rencontrons
que de très-petits arbuftes perdus dans le
gazon que broute le chamois 5 leurs rameaux tortueux
& difformes s’élèvent à peine au-deffus
du fol qui les nourrit ., & rie forment fouvent que
des buiffons rampans, diffus & noueux 3 ils nous
offrent les derniers efforts de la végéiation luttant
contre les frimats & les glaces. Enfevelis pendant
fept à huit mois de l’année fous dès montagnes de
neiges, fis leur réfiftent 3 & vainqueurs des frimats
, fis fe hâtent, au retour de la chaleur , de
reproduire leurs feuilles, leurs chatons & leurs
femçnces. Qui ne croiroit voir entre les feules
des plaines & ceux des montagnes le tableau de la
race .humaine ! Ces arbuftes de nos Alpes ne fembient
- ils pas nous -rappeler l'exiftence de ces
malheureux I.apons à taille courte & ramaifee,
relégués dans les climats hyperboréens, végétant
une partie de 1 année fous des huttes foutertaines
& enfuméës , tandis que la plus belle race d’hommes
habite les contrées méridionale, de l’Europe
& de l’Aile ?
Quoique la plupart des faules aient chacun un*
patrie qui leur eft propre, un fol où ils fe plaifenc
de préférence, beauconp, parmi eux, croiftenc
indifféremment dans toutes fortes de terrains ;
mais ils font alors fi différens d’eux-mêmes , qu’il
efi très-difficile de les reconnoitre. Ainfi, le faule
qui quitte les montagnes pour venir habiter nos
vergers, fe dépouille de fa rudeffe fauvage, &
prend des formes plus agréables; il devient alors
prefque méconnoiflable ce n’eft plus ce petit
arbufte rabougri, haut de quelques pouces, qui
rampe humblement fur le fol qui l’a produit;
c'eft un arbrilfeau dont le troue s’ élève de pilu-
fîeurs pieds, fe divife en rameaux étalés, &
veut prefque rivalifer d’élégance avec fes autres
frères; c’eli l'homme de la mture, qui a perdu
dans la fociété fon caractère & fes formes originelles.
De même le faule, qui.des bords des rivières
pafle dans des plaines arides,-ou s'élance
fur les hauteurs, n’a plus ni le même port ni le
même carâétère. Nous en dironS autant de l'efpècé
tranfportée d’ün climat froid dans un climat beau-
coup,plus tempéré; de-Ii la fource de Ces nom-
breufes erreurs, qui ont fait.aùtant d’efpèces dè
toutes^es variétés ; de-là ces difficultés prefqu'in-
fuTmontables qui arrêtent à chaque pas le bota-
nifte cherchant à fixer le degré d’affiliation entre
les indisidus de cette famille nombreufe. C ’eft
alors que ce genre, fi curieux dans fes efpèces,
fi agréable iorfqu’on ie fuit dans la nature, fe
charge d'épines, lorfque le botanifte veut l'étudier
avec cette févériténéceflaire pour l'exaétitude
de fes deferiptions. Alors difparoiffent ces fiais
bocages, ces rives folitaires & riantes qu’ils em-
belliffent ; ces objets de nos jouiffances font place
à des difffirtations pénibles, rebutantes, qu'il faut
cepsndant.aborder, polir ne pas confondre ce qui
doit êt;p féparé, ou féparer ce qui doit être réuni :
c’eft une route difficile & ténêbreufe, qui ne peut
être tracée que d'après de très-longues obferva-
tions.
J'ai déjà dit que les principales difficu’tés ve-
noient de la facilité avec laquelle les faules fe mul-
tipiioient dans toutes fortes de terrains, & des
altérations qu’ ils éprouvoient dans leurs formes,
felon les climats & les localités. Ces confidéra-
tions me portent a croire que ces efpèces nom-
breufes de faules qui exiflent aujourd'hui, font dues
a quelques efpèces primitives q.ui auront varié
leuis. formes a mïfurs qu’ elles fe feront élevées