
noms employés par les médecins, dans ces temps t
d'ignorance '& d'obfcurite , étoient prefque tous |
des noms barbares , infîgnifians » ils varioientd un
fiècle à un autre, d’une nation chez une autre.
Très-fouvent oubliées ou négligées, les mêmes
plantes reparoiffoient comme nouvelles fous d’autres
noms, douées de nouvelles propriétés, (ans
defcîiption, fans fynonymie , telles enfin , qû il
nous eft aujourd’hui ptrfqn’impoffible de leur appliquer
les noms qu’elles ont portés dans ces
fiècles de ténèbres ; travail faftidieux, qui a occupé
fi péniblement une foule de commentateurs |
obfcurs, dont les recherches n’ont fervi qu à n >us
montrer jufqu’à quel point Teiprit humain eft fuf-
cepcible de crédulité te de fuperftition, lorfqu’ii
n’eft guidé que par de vieux préjugés.
Rien de plus funefte aux progrès des fciences ,
que cet afcendant avec lequel établi(fenc leurs
opinions ces hommes parvenus à jouir de la confiance
de leurs femblables : s ils leur ont ouvert
une faulfe ro u ti, chacun croît devoir la fuivre ,
perfonne n’ofe s’en écarter; fouvent il faut des
fiècles avant de retrouver le véritable chemin :
telle la botanique eft reliée jufque vers le fixième
fiècle-, où des efprits plus éclairés fendrent enfin
qu’il écoit impoftîble de s’occuper de l’étude des
plantes, lans donner de chacune d’elles une def-
cription convenable, te fans rappeler les differens
noms qu’ elles avoient reçus jufqu’à cette epoque.
Tel fut l’objet du travail de Léclufé, de Dodoëns,
de Dalechamp, & furtout des célèbres frères
Bauhin , qui tous deux , Calpard plus particulièrement
, s’efforcèrent de joindre à leurs def-
criptions l’ancienne nomenclature. Quoique leur
fynonymie foie quelquefois douteule & inexaéte,
ils n’ ont pas moins pofé les premiers fondemens
de la fcience des végétaux, qu’ils ont fait fortir
de l’obfcurité où l’avoit retenue fi long-temps
l'ignorance des vrais principes.
Mais ce travail en çxigeoit un autre, devenu
néceffaire. Chez les Anciens, chaque plante avoic
un nom particulier, rarement de ces noms communs
qu’on a depuis appelés noms génériques ; lorf-
qiie les plantes furent étudiées avec plus de méthode
, on en forma de petits groupes , à la vérité
très - imparfaits, dans leiquels -on réuniffoit
toutes celles qui paroiffoient fe convenir le plus
par leur port, par une forte de reffemblance générale
qui les rapprochoit ; elles recevoient alors
un nom commun ; les efpèces etoient défignees
par une forte de phrafe très-courte, fouvent établie
fur leurs attributs particuliers, fur leurs rapports
avec d'autres* plantes, fur leurs propriétés
ou leur lieu natal : telle fut la marche fuivie principalement
par C- Bauhin & par quelques-uns de
fes prédeceffeurs te de fes contemporains ; forcés
de changer les noms d’un grand nombre de plantes
, ils eurent foin en même temps de rappeler
çeux qu’elles avoient reçus auparavant. C’étoit déjà
cm premier pas vers l’établiffement des genres>
dont on n’avoit encore qu'une idée très imparfaite.
Combien, dans ces groupes mal compofés,
dans lefquels on réunilfoit des plantes très-différentes
les unes des autres, rapprochées Lu Liment
par une reffemblance vague ; combien , dis-je , on
étoit loin alors de la connoiffance de ces baies
naturelles , fur lefq-selles les genres dévoient être
appuyés ! Une étude plus approfondie fit fentir par
la fuite qu’ il falloit chercher les caractères eiien-
tiels des plantes dans les différentes parties des
jSrurs & des fruits: dès-lors parurent pour là première
fois des méthodes, dans lefquelles.les plantes
, confidérées dans Lur enfemble, fuient rangées
d’après un ordre plus naturel, établi fur la
confidération des pat ties les plus effennelles , les
moins variables. Telles furent celles de Rai, de
Céfalpin , de Morifon, de Knaut, de Magnol te
piufieurs autres, jufqu’au temps où parut le célèbre
Tournefort, qui jeta un fi grand jour fur
toutes les parties de la botanique, par la clarté de
fa méthode te l’établiffement de fes genres.
Ces changemens fucceffifs dans l’étude des
plantes dévoient néceffairement en amener un
dans leur nomenclature : il n'étoit plus podîble de
conferver fous le même nom commun, des plantes
qui appartenoient à des genres très-uifférens, te
chaque méthode , chaque réforme obligeoit leurs
auteurs à ramener dans de nouveaux genres, des
plantes connues fous d’autres noms ; mais , a 1 aide
de la fynonymie, il étoit alors facile de s’entendre,
de profiter des obfervations faites par tous ceux
qui s’étoient occupés des progrès de la fcience ;
on avoit alors des deferiptions te des figures qu’on
pouvoir confulter, te malgré l'imperfeétion des
unes & des autres, ce n’étoit plus cet ancien
chaos, clans lequel nous avoient jetés, pendant une
longue fuite de fiècles, des noms barbares , des
deferiptions vagues ou nulles, des notions fauffes,
l’oubli ou l’ignorance de ces caractères qui feuls
peuvent fixer la diftinétion des efpèces.
Cette nomenclature , particulièrement celle de
C. Bauhin te de Tournefort, fe conferva , faut
quelques changemens, jufqu'au temps où Linné,
fe frayant une route nouvelle , établit cette ingé-
nieufe nomenclature, de laquelle aujourd’hui il
n’eft plus permis de s’écarter, & qui convient également
à toutes les diüributions imaginées pour
la claffiftcation des végétaux. A la vérité on lui
a reproché d’avoir changé trop facilement prefque
tous les noms des plantes. Mais fur quoi porte ce
reproche ? Ce ne peut être fur les noms fpécifi-
ques, qui n’exiftoient point alors , à moins qu’on
ne prenne pour tels ces phrafes prefqu infiunifiantes
qu’il a remplacées par d autres bien autrement
caraétériftiques. Il ne peut pas porter davantage
fur les genres : ceux qui exiftoient à le-
poque de la réforme linnéenne, étoient la plupart
compofés d’efpèces qui ne fe rapportoient plus
* f aujç
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aux caractères des nouveaux genres; ces efpèces
dévoient donc en être rètranchees, claffees dans
d’autres genres, recevoir une nouvelle dénomination,
te l’ancien nom du genre changé, pour éviter
la confufion. Si quelquefois il a porté un peu trop
loin, à ce fujet, la févérité^ de fes. principes ,
vouloir aujourd'hui rappeler d’anciens noms qu’il
auroit pu conferver, ce feroit jeter de nouveau
le défordre dans la nomenclature, furiharger,
fans aucun avantage pour la fcience, chaque
efpèce, d’une fynonymie déjà beaucoup trop
étendue.
Tel eft malheureusement l’état de la fcience
depuis qu’une nuee de réformateurs fe jetant avec
acharnement fur les ouvrages cie Linné , fe font
impofé la tâche, gloriéufe félon eux, de fou-
mettre fes genres à leur examen*, de, fupprimer
les uns, de lacérer les autres, d’en changer les
noms, les caraCtères, tellement que fi l’on doo-
noit auiourd’hui un .Species piaruanim d'après
toutes ces réformes, à peine pourroit-on y re-
connoîrre quelques veftiges de l’ ancien travail du
botanifte fuédois, quoique fouvent publié fous
fon nom. A là vérité , depuis environ un drtni-
fiècle, le nombre des plantes connues a été prefque
doublé ; ces découvertes ont amené l’établiffement '
de beaucoup de nouveaux genres; des efpèces
rares, peu connues , ont été mieux obfervées ;
elles ont exigé des réformes que Linné lui*même
eût exécutées. On ne pouvoit, fans doute , qu’applaudir
à ces utiles travaux ; mais l’abus eft venu
à leur fuite : corriger, rectifier les genres de Linné,
paroît être devenu un titre à la célébrité; c’eft,
en quelque forte , s’élever jufqu’à lui, te même
le furpafler dans l’opinion de ces réformateurs.
Us fe font dès-lors livrés tout entiers à faifir les
plus légères différences dans les parties de la fructification
des efpèces, pour féparer ces dernières
du genre auquel Linné les avoit réunies; elles font
devenues le type d’autant de nouveaux genres,
& l’on voit tel genre difparoître prefqu’enrière-
ment, te remplacé par douze ou quinze autres &
plus. Ces novateurs, plus jaloux encore les uns
des autres qu’ils ne le font de Linné , font loin
d’être d’accord enu’eux : l’un détruit ce que
l’autre édifie , & fouvent d’un.travail établi à peu
près fur les mêmes bafes, réfultent prefque les
mêmes genres, mais fous des noms differens. Le
changement des noms eft la première opération,
parce qu’elle eft la plus facile, te qu’elle femble
donner plus d’importance au travail ; des obferva-
tions, fouvent minutieufes, fixeroient peu l'attention
, tandis qu’elles s’annoncent bien autrement
lorfqu’elles fervent de bafe à la formation
de genres nouveaux : ceux-ci, s’ils ne font point
admis, doivent être du moins cités dans la fynonymie
des efpèces ; c’eft toujours une forte de
dédommagement pour l'amour-propre de leurs auteurs.
Au refte, quel que foit le motif de ces chaa-
gemens, il n'en réfulce pas moins un défordre J
Botanique, Supplément* Tome
S Y N
dans l’enfemble de la fcience, qui ne peut guère
être réparé que par l’exaéticude de li fynonymie ;
tandis que fi ces mêmes auteurs fe fnftent bornés
à nous préfenter leurs obfervations, fans chercher
à dénaturer les genres , à en fupprim r les noms,
ils auroient contribué bien plus directement à la
perfeCtion de la fcience. Cette nouvelle fynonymie,
quoique moins rebutante, moins difficile
que celle des Anciens, h'en eit pas moins une
luperfétation qui fatigue la mémoire ; ce feroit
bien pis, s’il falloit adm ttre tous les genres qui
ont été étibfis feulement fur ceux de Linné , au
lieu de les rapporter aux efpèces qui leur ont fervi
de type.
Il eft donc effentiel de diftinguer deux ordres
dans la fynonymie : le premier comprendra la fynonymie
des Anciens jufqu’à Linné; le fécond,
celie de tous ceux qui , venus après lui, ont parlé,
ious d'autres noms, des plantes qu’il avoic nommées
avant eux. Ce travail , quoique fouvenr faf-
tidieux , eft indifpenfable pour éviter de doubles
emplois. Faudra-t-il également citer tous les auteurs
qui ont traité des mêmes plantes , fous les
mêmes noms qu’elles ont reçus de Linné ? Quef-
tion délicate, fiirtout fi l’on confidère le grand
nombre d’auteurs qui ont écrit depuis ce célébra
réformateur. Que de Flores particulières qui na
nous apprennent rien 1 que de monographies incomplètes
! que de" figures de plantes répétées
fans aucune néceffiti ! On conçoit que, s’il falloit
tout citer , chaque efpèce ameneroic à fa fuite des
pages entières de fynonymes. Il n'y a donc aucun
inconvénient à paffer fous filence toutes les Flores
qui ne font que de fimples catalogues de localité,
te qui n’offient aucune defeription , aucune obfer-
vation particulière. En général, ces ouvrages ne
doivent être cités que pour les efpèces qui font
ou figurées pour la première fois , ou qui ne l'a-
voient été qu'imparfaitement, te qui font accompagnées
de quelques notes critiques un peu importantes.
On ne doit pas non plus oublier les plantes
qui naiffent dans des contrées très-différentes de
celles ou elles fe rencontrent ordinairement, telles
que des plantes d’Europe nées en Amérique, te
vice verfâ, quand toutefois l'auteur mérite notre
confiance.
11 arrive auffi qu’on trouve dans un grand
nombre de Flores, des plantes rapportées fauffe-
ment aux efpèces de Linné : quand on découvre
$y telles erreurs, elles doivent être relevées avec
foin ; elles fe reconnoiffent, foit d’après les figures
les deferiptions que les auteurs en ont données,
foit d'après les exemplaires de ces plantes qu’ils
ont communiqués, foit par les recherches faites
dans les mêmes localités. On v o it, d'après toutes
ces confidérations, que la fynonymie des auteurs
modernes exige également une grande attention
& beaucoup de recherches, quand on veut éviter
de réunir fous une même dénomination piufieurs
efpèces différentes * ou de diftingner comme fé*