corps couvert de plumes, & terminé par une queue de
poiffon , n offrent un tableau d une énorme difformité
que parce qu on y reunit ce que la Nature a de plus
éloigné. Un animal qui, comme la Chauve - fouris , eft
à demi-quadrupède, à demi-volatile, & qui n’eft en tout
ni 1 un ni 1 autre , e ft, pour ainh dire, un être monffre,
en ce que réunifiant les attributs de deux genres fi dif-
ferens, il ne reflèmble a aucun des modèles que nous
offrent les grandes claffes de la Nature. Il n’eft qu’im-
parfàitement quadrupède, 8c il eft encore plus imparfaitement
oifeau. Un quadrupède doit avoir quatre pieds ,
un oilèau a des plumes & des ailes ; dans la chauve-
foin is les pieds de devant ne font ni des pieds ni des
ailes , quoiqu elle s’en fèrve pour voler , & qu’elle
puiffe aufil s’en fervir pour fe traîner ; ce font en effet
des extrémités difformes , dont les os font monftrueu-
fement alongés, 8c réunis par une membrane qui n’eft
couverte ni de plumes , ni même de poils , comme le
refie du corps : ce font des efpèces d’ailerons , o u , fi
1 on veut, des pattes ailées, où l ’on ne voit que l’ongle
d un pouce court, 8c dont les quatre autres doigts très-
longs ne peuvent agir qu’enfemble, & n’ont point de
mouvemens propres , ni de fondions féparées : ce font
des efpèces de mains dix fois plus grandes que les
pieds , 8c en tout quatre fois plus longues que le corps
entier de 1 animal : ce font, en un mot, des parties qui
ont pluftôt l’air d’un caprice que d’une produdion
régulière. Cette membrane couvre les bras, forme les
ailes ou les mains de l’animal, fè réunit à la peau de
fon corps , 8c enveloppe en même temps fes jambes, 8c
même fa queue qui, par cette jondion bizarre, devient,
pour ainfi dire, l’un de fes doigts. Ajoutez à ces dif-
parates 8c à ces difproportions du corps 8c des membres,
les difformités de la tête, qui fouvent font encore plus
grandes ; car, dans quelques efpèces , le nez eft à peine
vifible, les yeux font enfoncés tout près de la conque de
l ’oreille, 8c fe confondent avec les joues; dans d’autres,
les oreilles font auffi longues que le corps, ou bien la
face eft tortillée en forme de fer à cheval, 8c le nez
recouvert par une efpèce de crête. La plufpart ont la tête
furmontée par quatre oreillons, toutes ont les yeux petits,
obfcurs 8c couverts , le nez ou pluftôt les nafeaux
informes, la gueule fendue de l ’une à l ’autre oreille ;
toutes auffi cherchent à fe cacher , fuient la lumière,
n’habitent que les lieux ténébreux, n’en fortent que la
nuit, y rentrent au point du jour pour demeurer colées
contre les murs. Leur mouvement dans l’air eft moins
un vol qu’une efpèce de voltigement incertain , qu’elles
femblent n’exécuter que par effort 8c d’une manière
gauche ; elles s’élèvent de terre avec peine , elles ne
volent jamais à une grande hauteur, elles ne peuvent
qu’imparfaitement précipiter ,• ralentir, ou même diriger
leur vol ; il n’eft ni très-rapide ni bien direét, il fe fait
par des vibrations brufques dans une direction oblique
8c tortueufe ; elles ne laiffent pas de faifir en paflànt les
moucherons, les confins, 8c fur-tout les papillons