L E S U R M U L O T . *
i ^ f o u s donnons le nom de Surmulot à une nouvelle
efpèce de mulot, qui n’eft connue que depuis quelques
années. Aucun Naturalise n’a parlé de cet animal, à
l ’exception de M. Brillon qui , le comprenant dans le
genre des rats, l’a appelé rat de bois. Mais comme il
diffère autant du rat que le mulot ou la fouris, qui ont
leurs noms propres , il doit avoir auffi un nom particulier
, furmulot, comme qui dirait gros, grand mulot,
auquel en effet il reflemble plus qu’au rat par la couleur
& par les habitudes naturelles. Le furmulot efl plus fort
6c plus méchant que le rat, il a le poil roux , la queue
extrêmement longue 6c fins poil, l’épine du dos arquée
comme l’écureuil, 6c le corps beaucoup plus épais, des
mouffaches comme le chat. Ce n’eft que depuis neuf
ou dix ans que cette efpèce s'eft répandue dans les
environs de Paris : l’on ne fait d’où ces animaux font
vertus^ mais ils ont prodigieufèment multiplié , 6c l’on
n’en fera pas étonné, lorfqu’on fuira' qu’ils produifent
ordinairement douze ou quinze petits , fouvent feize ,
dix-fept, dix-huit, & même-jufqu’à dix-neuf Les endroits
où ils ont paru pour la première fois, & où ils fe font
bien-tôt fait remarquer par leurs dégâts, font Chantilly ,
Marly-la-Yille 6c Verfàilles. M. le Roy , Infpeéleur du
* Rat des bois. Mus caudâ longijfimâ, fuprà dilute fulvus, infra
albicans. . . . . Mus fylvejlris. Briffon, Regn. animal, pag, 1 y o.
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Parc , a eu la bonté de nous en envoyer en grande
quantité, vivans & morts ; il nous a même communiqué
les remarques qu’il a faites fur cette nouvelle efpèce.
Les mâles font plus g ros, plus hardis St plus méchans
que les femelles : lorfqu’on les pourfuit & qu’on veut
les faifir, ils fe retournent 6c mordent le bâton ou la
main qui les frappe ; leur morfure eft non feulement
cruelle , mais dangereufe, elle eft promptement fuivie
d’une enflure aflez confidérabie , 6c la plaie , quoique
petite, eft long-temps à fe fermer. Ils produifent trois
fois par an , ainfi deux individus de cette efpèce en font
tout au moins trois douzaines en un an : les mères préparent
un lit à leurs petits. Comme il y en avoit quelques-
unes de pleines dans le nombre de celles qu’on nous
avoit envoyé vivantes, & que nous les gardions dans des
cages, nous avons vû les femelles /deux ou trois jours
avant de mettre bas, ronger la planche de leur cage , en
faire de petits copeaux en quantité , les difpofèr, les
étendre, 6c enfuite les faire fervir de lit à leurs petits.
Les furmulots ont quelques qualités naturelles qui
femblent les rapprocher des rats d’eau ; quoiqu’ils s’éta-
bliflènt par-tout, ils paroiflent préférer le bord des eaux;
les chiens les chaffent comme ils chaffent les rats d’eau ,
c ’eft-à-dire avec un acharnement qui tient de la fureur.
Lorfqu’ils fe fentent pourfiiivis , 6c qu’ils ont le choix de
fe jeter à l’eau ou de fe fourer dans un buiffon d’épines,
à égale diftance , ils choififfent l’eau , y entrent fans
crainte, 6c nagent avec une merveilleufe facilité. Cela
arrive fur-tout lorfqu’ils ne peuvent regagner leurs