Ariflote * parle auffi des ours blancs terreflres, & regarde
cette différence de couleur comme accidentelle , &
provenant, dit-il , d’un défaut dans la génération. II y a
donc des ours dans tous les pays déferas , efearpés, ou
couverts ; mais on n’en trouve point dans les royaumes
bien peuplés , ni dans les terres découvertes & cultivées ;
if n’y en a point en France, non plus qu’en Angleterre,
fi ce n’efl peut-être quelques-uns dans les montagnes
les moins fréquentées.
L ’ours efl non feulement fâuvage, mais folitaire ; il
fuit par inftinci toute fociété, É s’éloigne.des lieux où
les hommes ont accès, -il ne jfe trouve à fion aife que
dans les endroits qui appartiennent encore à la vieille
Nature ; une caverne antique dans des rochers inaecef-
fibies | une grotte formée par le temps dans le tronc
d ’un vieux arbre , au milieu d’une épaiffe forêt, lui
fervent de domicile ; il s’y retire feul, y paffe une
partie de l’hiver fans provifions , fans en fortir pendant
plufieurs femaines. Cependant il n’eft point engourdi
ni privé de fentiment, comme le loir ou la marmotte ;
mais comme il efl naturellement gras , & qu’il l’eft
exceffivement fur la fin de l’automne, temps auquel il
ie recele, cette abondance de graille lui fait fiipporter
1 abflinence, & il ne fort de fâ bauge que lorfqu’il le
fent affamé. On prétend que c’efl au bout d’environ
quarante jours b que les mâles fbrtent de leurs retraites,
Ariftot. de'admir. cap. 140. Idem, de gen. animal, lib. r, cap.' 6•
1 Idem. Hiji. anirn. lib. Y II J , cap. i j .
mais que les femelles y relient quatre mois , parce
qu’elles y font leurs petits. J’ai petite à croire qu’elles
puiffent non feulement fubfifter , mais encore nourrir
leurs petits, fans prendre elles - mêmes aucune nourriture
pendant un auffi long efpac.e de temps. On convient
qu’elles font exceffivement grades torfiqu’elies font
pleines, que d’ailleurs étant vêtues d’un poil très-épais,
dormant la plus grande partie du temps, <% ne fe donnant
aucun mouvement, elfes doivent perdre très-peu
par la tranfpiration ; mais s’il efl vrai que les mâles
fortent au bout de quarante jours , prefies par 1e befoin
de prendre de la nourriture, il n’efl pas naturel d’imaginer
que les femelles ne foient pas encore plus preffées
du même befoin après qu’elles ont mis bas , Sc lorf-
qu’alaitant leurs petits , elles fe trouvent doublement
épuifées ; à moins que l’on ne veuille fuppofer qu’elles
en dévorent quelques-uns avec les enveloppes& tout
1e refie du produit fiiperflu de leur accouchement, ce
qui ne me paroît pas vrai-femblable , malgré l’exemple
des chattes , qui mangent quelquefois leurs petits. Au
refte , nous ne parlons ici que de l’efpèce des ours
bruns , dont les mâles dévorent en effet les ourfons
nouveaux nés, lorfqu’ils les trouvent dans leurs nids,
mais les femelles au contraire femblent les aimer jufqu’à
la fureur ; elfes font , lorfqu’elles ont mis bas , plus
féroces , plus dangereufes que les mâles ; elles combattent
& s’expofent à tout pour fàuyçr leurs petits,
qui ne font point informes en naifîànt, comme l’ont