parties antérieures jufqu’aux reins a la qualité , le goût
la confiftance de la chair des animaux de la terre 8c de
l’air ; celle des cuiffeS & de la queue a l’odeur , la
laveur & toutes les qualités de celle du poilïon : cette
queue longue d’un pied, épaiffe d’un pouce, & large
de cinq ou fix , eft même une extrémité , une vraie portion
de poiflon attachée au corps d’un quadrupède ; elle
eft entièrement recouverte d’écailles & d’une peau toute
femblable à celle des gros poiïïons : on peut enlever
ces écailles en les raclant au couteau , 8c lorfqu’elles
font tombées, l’on voit encore leur empreinte fur la
peau, comme dans tous nos poiiïons.
C ’eft au commencement de l ’été que les caftors fe
raflemblent ; ils emploient les mois de juillet 8c d’août à
conftruire leur digue & leurs cabanes ; ils font leur
provifion d’écorce & de bois dans le mois de fep-
tembre, enfuite ils jouiffent de leurs travaux, ils goûtent
les douceurs domeftiques ; c ’eft le temps du repos, c ’eft
mieux , c ’eft la fàifon des amours. Se connoifiànt', prévenus
l’un pour l’autre par l’habitude , par les plaifirs &
les peines d’un travail commun, chaque couple ne fe
forme point au hafard, ne fe joint pas par pure néceflité
de nature, mais s’unit par choix 8c s’aflortit par goût :
ils paffent enfemble l ’automne ôc l’hiver ; contens l’un
de l’autre , ils ne fe quittent guère ; à l’aife dans leur
domicile , ils n’en fortent que pour faire des promenades
agréables & utiles , ils en rapportent des écorces
fraîches qu’ijs préfèrent à celles qui font lèches ou trop
imbibées
imbibées d’eau. Les femelles portent, dit-on, quatre
mois; elles mettent bas fur la fin de l’hiver, & pro-
duifent ordinairement deux ou trois petits ; les mâles les
quittent à peu près dans ce temps , ils vont à la campagne
jouir des douceurs 8c des fruits du printemps ; ils
reviennent de temps en temps à la cabane , mais ils
n’y féjournent plus : les mères y demeurent occupées
à alaiter, à foigner, à élever leurs petits , qui font en
état de les fliivre au bout de quelques femaines ; elles
vont à leur tour fe promener, fe rétablir à l’air , manger
du poiffon, des écrevifiës, des écorces nouvelles , 8c
paffent ainfi l’été fur les eaux, dans les bois. Ils ne fè
raflemblent qu’en automne, à moins que les inondations
n’aient renverfé leur digue ou détruit leurs cabanes ,
car alors ils fe réunifient de bonne heure pour en réparer
les brèches.
Il y a des lieux qu’ils habitent de préférence , où
l’on a vû qu’après avoir détruit plufieurs fois leurs travaux
, ils venoient tous les étés pour les réédifier ,
jufqu’à ce qu’enfin fatigués de cette perfécution 8c
affoiblis par la perte de plufieurs d’entr’eux, ils ont pris
le parti de changer de demeure 8c de fe retirer au loin
dans les folitudes les plus profondes. C ’eft principalement
en hiver que les chafiëurs les cherchent , parce
que leur fourrure n’eft parfaitement bonne que dans
cette fàifon ; 8c lorfqu’après avoir ruiné leurs établiffe-
mens il arrive qu’ils en prennent en grand nombre, la
fociété trop réduite ne fe rétablit point, le petit nombre
Tome VIII. P p