dure, & fe férvir de tous deux comme de.fil & d ’aiguille,
font des aétes purement individuels que l’homme
en fôlitude peut tous exécuter fans être aidé des autres,
des actes qui dépendent de fa feule conformation,
puifqu’ils ne fuppofent que l ’ufige de {a main; mais
couper & tran {porter un gros arbre, éleyer un carbet,
eonflruire unepyrogue, font au contraire des opérations
qui fuppofent néceffairement un travail commun & des
vûes concertées. Gès ouvrages font auffi les feuls réful-
tats de la focrété naiflànte chez des nations fuivages,
comme les ouvrages des caftors font les fruits de la
fbciété perfectionnée parmi ces animaux : car il faut
obferver qu’ils ne fongent point à bâtir, à moins qu’ils
n’habitent un pays libre & qu’ils n’y foient parfaitement
tranquilles. Il y a des caftors en Languedoc , dans les
iftes-du Rhône,, il y en a en plus grand nombre dans
les provinces du nord de l’Europe ; mais comme toutes
ces contrées font habitées , ou du moins fort fréquentées
par les hommes, les caftors y font, comme tous
les autres animaux, dilperfés , folitaires , fugitifs, ou
cachés dans un terrier ; on ne les a jamais vus fe réunir,
fe raffembler, ni rien entreprendre, ni rien conftruire;
au lieu que dans ces terres defertes , où l’homme en
fociété m’a pénétré que bien tard, & où l’on ne voyoit
auparavant que quelques veffigès de l’homme fàuvage,
on a par - tout trouvé les caftors réunis-, formant des
fbciétés-, & l’on n’a pû s’empêcher d’admifer leurs
ouvrages. Nous fâcherons de ne citer que des témoins
judicieux, irréprochables , & nous ne donnerons pour
certains que les faits fur lefquels iis s’accordent : moins
portés peut-être que quelques-uns d’entre eux à l’admi-,
ration, nous nous permettrons le doute, & même la
critique, fur tout ce qui nous paroîtra trop difficile à
croire.
Tous conviennent que le caflor, loin d’avoir une
fupériorité marquée fur les autres animaux , paroît au
contraire être au deffous de quelques-uns d’entre eux
pour les qualités purement individuelles ; & nous fommes
en état de confirmer ce fait, ayant encore actuellement un
jeune caflor vivant, qui nous a été enyoyé de Canadaa,
& que nous gardons depuis près d’un an. C ’efl un animal
affiez doux , affez tranquille , affez familier, un peu trille,
même un peu plaintif, fans paffions violentes, fans appétits
véhémens, nefe donnant que peu de mouvement, ne
faifànt d’efforts pour quoi què ce foit, cependant occupé
férieufement du defir de fà liberté, rongeant de temps
en temps les portes de fa prifon, mais fans fureur., fans
précipitation, & dans la feule vue d’y faire une ouverture
pour en fertir ; au relie affez indifférent, ne s’attachant
pas volontiers b , ne cherchant point à nuire,
& affez peu à plaire. 11 paroît inférieur au chien ,
* Ce Caflor, qui a été pris jeune, m’a été envoyé au commencement
de l’année 1758, par M. de Montbelliard, Capitaine dans Royai-
Artillerie.
b M. Klein a cependant écrit qu’il en avoit nourri un pendant
plufieurs années, qui le fuivoit & l’alloit chercher comme les chiens
vont chercher leurs maîtres.