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maître , & même obéiflânt lorfqu’il eft apprivoifé , il
faut toujours s’en défier , & le traiter avec circonlpec-
tion , fiir-tout ne le pas frapper au bout du nez ni le
toucher aux parties de la génération. On lui apprend à
fe tenir debout, à gefticuler, à danfer ; il femble même
écouter le fon des inftrumens , & fùivre groffièrement
la mefiire ; mais pour lui donner cette efpèce d’éducation,
il faut le prendre jeune.,. & le contraindre pendant
toute f i vie ; l ’ours qui a de l’âge ne s’apprivoife ni
ne fè contraint plus ; il -eft naturellement intrépide, ou
tout au moins indifférent au danger. L ’ours fàuvage ne
le détourne pas de fon chemin , ne fuit pas à l’afpeét
de l’homme ; cependant on prétend que par un coup
de fifffetaon le fiirprend, on l ’étonne au point qu’il
s’arrête & fe lève fur les pieds de derrière. C ’eft le
temps qu’il faut prendre pour le tirer, & tâcher de le
tuer ; car s’il n’ëft que bleffé, il vient de furie fe jeter
fur le tireur , & l’embraflànt des pattes de devant, il
l ’étouffèroitb s’il n etoit fecouru.
On chafle & on prend les ours de plufieurs façons,
en Suède, en Norvège, en Pologne , &c. La manière,
d it-o n , la moins dangereufe de les prendre c eft de
les enivrer en jetant de l ’eau de vie.fur le; miel qu’ils
aiment beaucoup, & qu’ils cherchent dans les troncs
1 Voyages de Regnard , tome 1, pages 3 7 èt 3 8.
h ld.ibidf Hift. de la Louifiane par M. le Page du Pratz, tome.II,
fage 81, ‘
‘ Voyages de Regnard , tome J, page 33. f
d’arbres. A la Louifiane & en Canada , où les ours
noirs font très-communs, & où ils ne nichent pas dans
des cavernes , mais dans de vieux arbres morts fur
pied i & dont le coeur eft pourri , on l.es prend, ep
mettant le feu dans leurs maifons1 : comme ils montent
très - aifément fur les arbres, ils s’établiffent rarement à
rez de terre , & quelquefois ils font nichés à trente &
quarante pieds de hauteur. Si c ’eft une mère avec fes
petits , elle defeend la première , on la tue avant qu’elle
foit à terre ; les petits defeendent enfùite, on les prend
en leur pafiant une corde au cou , & on les emmène
pour les élever ou pour les manger , car la chair de
l ’ourfon eft délicate & bonne; celle de l’ours eft mangeable,
mais comme elle eft mêlée d’une graiffè hufieufè,
il n’y a guère que les pieds, dont la fubftance eft plus
ferme, qu’on puiffe regarder comme une viande délicate.
La chafle de l’ours , fans être fort dangereufe, eft
très-utile lorfqu’on la fait avec quelque fuc-cès ; la peau
eft de toutes les fourrures groffières celle qui a le plus
de prix , & la quantité d’huile que l ’on tire d’un feul
ours eft fort confidérable. On met d’abord la chair &
la graiffe cuire enfemble dans une chaudière, la graiffe
fe fépare ; « enfuite, dit M. du Pratz h, on la purifie en y
jetant, lorfqu’elle eft fondue & très-chaude, du fèl en ce
* Mémoires fur fa Louifiane par .M- Dumont. Paris,, jy p 3 ,
pages jp à1 fuivantes. Hift. de fa Louifiane par M. le Page du Pratz,
tome I I , page 8j, '
b Tome' II, pages- 8ÿ 8/ 00,
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