|o a H i s t o i r e N a t u r e l l e
& ils font très-rares en France, en Efpagne , en Italie,
en Grèce & en Egypte. Les Anciens les connoiffoient;
il étoit défendu de les tuer dans la religion des Mages;
ils étoient communs fur les rives du Pont - Euxin ;
on a même appelé le caftor canis pon ticu s, mais apparemment
que ces animaux n’étoient pas allez tranquilles
fur les bords de cette mer, qui en effet font fréquentés
par les hommes de temps immémorial , puifqu aucun
des Anciens ne parle de .leur fociété ni de leurs travaux.
Ælien fur - tout, qui marque un fi grand foible
pour le merveilleux, & qui, je crois, a écrit le premier
que le caftor fe coupe les tefticules pour les laiffer
ramaffer au chaffeur * , n’aurait pas manqué de parler
des merveilles de leur république , en. exagérant leur
génie & leurs talens pour l’Architecture. Pline lui-
même , Pline dont l’efprit fier, trille & fublime déprife
toûjours l’homme pour exalter la Nature*, fe ferait-il
abflenu de comparer les travaux de Romulus à ceux de
nos caftors î II paraît donc certain qu’aucun des Anciens
n’a connu leur induftrie pour bâtir , & quoiqu’on ait
trouvé dans les derniers ficelés des caftors cabanes en
Norvège & dans les autres provinces les plus fepten-
trionales de l’Europe, 6c qu’il y ait apparence que les
anciens caftors bâtiffoient auffi-bien que les caftors
modernes, comme les Romains n’avaient pas pénétré
jufque-là, il n’eft pas fiirprenant que leurs Écrivains n’en
faffent aucune mention.
* Hijl. animal lib. ri, cap. 34.
Plufieurs Auteurs ont écrit que le caftor étant un
animal aquatique, il ne pouvoit vivre fur terre 8c fans
eau : cette opinion n’eft pas vraie , car le caftor que
nous avons vivant ayant été pris tout jeune en Canada,
6c ayant été toujours élevé dans la maifon, ne connoiffoit
pas l’eau lorfqu’on nous l’a remis, il craignoit & refufoit
d’y entrer ; mais l’ayant une fois plongé 6c retenu d’abord
par force dans un baffin, il s’y trouva fi bien au
bout de quelques minutes, qu’il ne cherchoit point à
en fortir , 6c lorfqu’on le laiffoit libre, il y retournoit
très-fouvent de lui-même; il fe vautroit auffi dans la
boue 6c fur le pavé mouillé. Un jour il s’échappa, 6c
defeendit par un efcalier de cave dans les voûtes des
carrières qui font fous le terrein du Jardin-royal ; il
s’enfuit affez loin , en nageant fur les mares d’eau qui
font au fond de ces carrières ; cependant, dès qu’il vit
la lumière des flambeaux que nous y fîmes porter pour
le chercher, il revint à ceux qui l’appeloient , & fe
laiflà prendre aifément. If eft familier fans être careflânt;
il demande à manger à ceux qui font à table ; fes inf-
tances font un petit cri plaintif & quelques geftes de la
main; dès qu’on lui donne un morceau, il l’emporte, 6c
fe cache pour le manger à fon aife ; il dort affez fouvent,
6c fè repofe fur le ventre; il mange de tout, à l’exception
de la viande qu’il refufe conftamment, cuite ou
crue ; il ronge tout ce qu’il trouve , les étoffes, les
meubles, le bois > 6c l’on a été obligé de doubler de
fer-blanc le tonneau dans lequel il a été tranfporté,