Les caftors habitent de préférence fur les bords des
lacs, des rivières & des autres, eaux douces ; cependant
il s’en trouve au bord de la mer , mais c’eft principalement
fur les mers feptentrionales, & fur-tout dans les
golfes méditerranés qui reçoivent de grands fleuves, &
dont les eaux font peu filées. Ils font ennemis de la
loutre ; ils la chaffont , & ne lui permettent pas de
paraître fur les eaux qu’ils fréquentent. La fourrure du
caftor efl encore plus belle & plus fournie que celle
de la loutre: elle efl: conipofée de deux fortes de poils;
1 un plus court, mais très-touffu, fin comme le duvet,
impénétrable à l’eau , revêt immédiatement la peau 1
l’autre plus long, plus ferme , plus luftré , mais plus
rare , recouvre ce premier vêtement , lui fert , pour
ainfi dire, de furtout, le défend des ordures, de la pouf-
fière, de la fange : ce fécond poil n’a que peu de valeur,
ce n’eft que le premier que l’on emploie dans nos manufactures.
Les fourrures les plus noires font ordinairement
les plus fournies & par conféquent les plus
eftimées ; celles des caftors terriers font fort inférieures
à celles des caftors cabanés. Les caftors font fujets-
à la mue pendant l’été , comme tous les autres quadrupèdes
; auffi la fourrure de ceux qui font pris dans
cette fiiifon n’a que peu de valeur. La fourrure des
caftors blancs eft eftimée à caufe de fà rareté, & les
parfaitement noirs font prefque auffi rares que les
blancs.
Mais indépendamment de la fourrure qui eft ce que
le
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le caftor fournit de plus précieux ; il donne encore une
matière dont on a fait un grand ufàge en Médecine.
Cette matière, que l’on a appelée cajloreum, eft contenue
dans deux greffes véficules que les Anciens avoient
prifes pour les teftieules de l’animal : nous n’en donnerons
pas lâ defcription ni les ufâgès1 , parce qu’on
les trouve dans toutes les Pharmacopéesb. Les Sauvages
tirent, d it-on , de la queue du caftor une huile,
dont ils fe fervent comme de topique pour différens
maux. La chair du caftor , quoique grade & délicate,
a toûjoürs un goût amer afîèz. defàgréable : on aflure
qu’il a les os exceffivement durs , mais nous n’avons
pas été'à portée de vérifier ce fait, n’en ayant difféqué
qu’ün jeune : fes dents font très-dures, & fi tranchantes
qu’elles fervent de couteau aux Sauvages pour couper,
creufer & polir le bois. Ils s’habillent de peaux de caftors
i & les portent en hiver le poil contre la chair : ce
font ces fourrures imbibées de la lueur des Sauvages
que l’on appelle caftor gras, dont on ne fe fert que pour
les ouvrages les plus greffiers.
Le caftor fe fort de fes pieds de devant comme des
mains, avec une adrefle au moins égale à celle de l’écureuil
; les doigts en font bien féparés, bien divifés, au
* Voy.IeTraitédu caftor,par Adarius & Francus. Paris, 1 746, in-i 2.
1 On prétend que les caftors font fortir la liqueur de leurs véficules
en les preflànt avec le pied, qu’elle leur donne de l’appétit lorfqu’ils
font dégoûtés, & que les Sauvages en frottent les pièges qu’ils leur
tendent pour les y attirer. Ce qui paroît plus certain, c’eft qu’il le
fert de cette liqueur pour fe gratifier le poil.
Tome VIII. Q < I