» bonne quantité & de l’eau par afperfion : il fe fait une
» détonation , & il s’en élève une fumée épaiffe qui em-
» porte avec elle la mauvaife odeur de la graiffe : la fumée
» étant paffée, 8c la graiffe étant encore plus que tiède,
« on la verfe dans un pot où on la laiffe repofer huit ou
« dix jours ; au bout de ce temps on voit nager deffus
» une huile claire, qu’on enlève avec une çuillier ; cette
» huile efl auffi bonne que la meilleure huile d’o live, 6c
» fert aux mêmes ulages. Au deffous on trouve un fàin-
« doux aufh blanc, mais un peu plus mou que le fàin-doux
» de porc ; il fert au befoin de la cuifine, & il ne lui refie
aucun goût defagréahle , ni aucune mauvaife odeur. »
M. Dumont, dans fes Mémoires fur la Louifane, s’accorde
avec M. du Pratz , & il dit de plus, que d’un
feul ours on tire quelquefois plus de cent vingt pots de
cette huile ou graiffe ; que les Sauvages en traitent beaucoup
avec les François; qu’elle efl très-belle , très-
fàine & très-bonne ; qu’elle ne fe fige guère que par
un grand froid, que quand cela arrive , elle efl toute en
grumeaux, & d’une blancheur à éblouir; qu’on la mange
alors fur le pain en guife de beurre. Nos Epiciers-dro-
guifles ne tiennent point d huile d’ours , mais ils font
venir de Savoie, de Suiffe , ou de Canada de la graiffe
ou axonge qui n’efl pas purifiée. L ’Auteiir du Diétion-
naire du Commerce dit même que pour que la graiffe
d’ours Toit bonne V il faut qu’elle foit ’grisâtre, gluante,
& de mauvaife odeur, & que celle qui efl trop blanche
efl fophifliquée & mêlée dç:fuif. Gn fe] fert de cette
graiffe comme de topique pour les hernies, les rhuma-
tifmes , 6cc. & beaucoup de gens affurent en avoir
reffenti de bons effets.
La quantité 'de graiffe dont l’ours efl chargé le rend
très-léger à la nage, auffi traverfe-t-il fans fatigue des
fleuves 6c des lacs. « Les ours de la Louifiane , dit
M. Dumont3, qui font d’un très-beau noir , traverfent
le ffeuve malgré fà grande largeur ; ils font très-friands
du fruit des plaqueminiers ; ils montent fur ces arbres,
fè mettent à califourchon fur une branche , s’y tiennent
avec une de leurs pattes , 6c fe fervent de l’autre pour
plier les autres branches 6c approcher d’eux les plaque-
mines ; ils fortent auffi très-fouvent des bois pour
venir dans les habitations manger les patates & le mahis. »
En automne, lorfqu’ils fe font bien engraiffés, ils n’ont
prefque pas la force de marcherb, ou du moins ils ne
peuvent courirc auffi vite qu’un homme. Us ont quelquefois
de dix doigts d’épaiffeurJde graiffe aux côtes &
aux cuiffes ; le deffous de leurs pieds efl gros 6c enfîé;
lorfqu’on le coupe, il en fort un fuc blanc 6c laiteux :
cette partie paroît compofée de petites glandes qui font
comme des mamelons, & c ’efl ce qui fait que pendant
l ’hiver, dans leurs retraites, ils fuccent continuellement
leurs pattes.
* Mém. fur la Louifiane , page y 6,
k Voyage du Baron de la Hontan, page 86.
Hiltoirede la Louifiane par M. du Pratz, page 8g.
1 Extrait d’un Ouvrage Danois cité par M." Arnault de Nobleviïle
& Salerne. H\fl. Nat. des animaux. Paris, iy ty , tome VI, p. ? 74,
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