298 Histoire Naturelle
de ceux qüï ont échappé à la mort ou à la captivité
fe difperfe , ils deviennent fuyards , leur génie flétri
par la crainte ne s’épanouit plus , ils s’enfouiffent eux
& tous leurs talens dans un terrier $ où rabaiffés à la
condition des autres animaux, ils mènent une vie timide,
ne s’occupent plus que des befoins preflàns, n’exercent
que leurs facultés individuelles, & perdent fans retour
les qualités fociales que nous venons d’admirer.
Quelque admirables en effet, quelque merveilleufes
que piaffent paraître les chofes que nous venons d’ex-
pofèr au fiijet de la fociété & des travaux de nos caf-
tors , nous ofons dire qu’on ne peut douter de leur
réalité. Toutes les relations faites en différens temps par
un grand nombre dé témoins oculaires * , s’accordent
* Voyez fur l’hiftoire des Caftors, Olaüs Aîagnus dans 1à defcription
des pays feptentrionaux ; Ies_ voyages du baron de la Hontan, tome I I ,
page 1 p j If fuiv. le Mufoeum Wormianum, page 320 ; l’hiftoire de
l’Amérique feptentrionale par Bacqueviile de la Poterie 7 Rouen,
1 y 22, tonie 1, page 133 ; Mémoire furie caftor, par M. Sarrafin,
inféré dans les Mémoires de l’Académie des Sciences , année 1 y 04 ;
la relation d’un voyage en Acadie, par Dierville, Rouen, 1708,
page 126 & fuiv. les nouvelles découvertes dans l’Amérique feptentrionale,
Paris, 1(37, page 133; l’Hiftoire de la Nouvelle-France,
par le P. Cfiarlevoix , Paris, 1744, tome I l , page 3 8 If fuiv.
le voyage dé Robert Lade, traduit de l’Anglois par M. l’abbé Prévoit,
tome II, page 226; le grand voyage au pays des Huions, par
Sagard Theodat, Paris, 1632, page 3 13' I f fuiv. le voyage à fa baie
de Hudfôn, par Ellîs, Paris, 1743 , tome 11, pages 61 If 62.
Voyez auffi Gelher, Aldrovande, Jonfton, Klein1,1 &c. à l’article
du caftor ; le traité du caftor par Jean Alarius , Paris, 174 S
fur tous les faits que nous avons rapportés; & fi notre
récit diffère de celui de quelques-uns d’entr’eux, ce n’eft
que dans les points où ils nous ont paru enfler le merveilleux
, aller au delà du v r a i & quelquefois même de
toute vrai-fembiance. Car on ne s’eft pas borné à dire
que les caftors avoient des moeurs fociales & des talens
évidens pour l’Architeéfure, mais on a affuré qu’on ne
pouvoit leur refufer des idées générales de police & de
gouvernement; que leur fociété étant une fois formée,
ils fàvoient réduire en efclavage les voyageurs, les étrangers
; qu’ils s’en fervoient pour porter leur terre, traîner
leur bois; qu’ils trairaient de même les pareffeux d’entre
eux qui ne vouloient, & les vieux qui ne pouvoient pas
travailler ; qu’ils les renverfoient fur le dos , les fàifoient
fervir de charrette pour voiturer leurs matériaux ; que
ces républicains ne s’affembloient jamais qu’en nombre
impair , pour que dans leurs confeils il y eût toujours
une voix prépondérante ; que la fociété entière avoit un
préfident ; que chaque tribu avoit fon intendant ; qu’ils
avoient des fentinelles établies pour la garde publique ;
que quand ils étoient pourfuivis,, ils ne manquoient pas
de s’arracher les teftjcules. pour fàtisfaire à la cupidité
des chaffeurs ; qu’ils fe montroient ainfi mutilés pour
trouver grâce à leurs yeux, &c. &c. *. Autant nous
l’hiftoire Je la Virginie , traduite de i’Angfois, Orléans, 1 7 0 7 ,
page 4.0 6; l’Hiftoire Naturelle du P. Rzaczynsky , à l’article dit
caftor, &c. &c.
* Voyez Æiien & tous les Anciens, à l’exception de Pline, qui
V. pP >/