eft de tous les animaux le plus avantageufement doué,
le mieux pourvu d’organes, Se par conféquent de fen-
làtions qui y font relatives : elle a de plus le toucher
délicat ; fon poil efl doux comme la foie ; elle a l’ouïe
très-fine, & de petites mains à cinq doigts, bien différentes
de l’extrémité des pieds des autres animaux , &
prefque femblables aux mains de l’homme ; beaucoup
de force pour le volume de fon corps , le cuir ferme,
un embonpoint confiant, un attachement vif & réciproque
du mâle Se de la femelle, de la crainte ou du dégoût
pour toute autre fociété , les douces habitudes du
repos Se de la folitude, l’art de fe mettre en fureté, de
fe faire en un inftant un afÿle , un domicile, la facilité
de l’étendre Se d ’y trouver fans en fortir une abondante
fubfiftance. Voilà fà nature , fes moeurs & fes talens,
fans doute préférables à des qualités plus brillantes &
plus incompatibles avec le bonheur, que l’ebfcurité la
plus profonde.
Elle ferme l ’entrée de fà retraite , n’en fort prefque
jamais qu’elle n’y fort forcée par l’abondance des pluies
d’été , lorfque l’eau la remplit ou lorfque le pied du
Jardinier en affùifïè le dôme ; elle fe pratique une voûte
en rond dans les prairies J & affez ordinairement un
boyau long dans les jardins , parce qu’il y a plus de
facilité à divifer Se à fbûlever une terre meuble Se cultivée
qu’un gazon ferme & tiflu de racines ; elle ne
demeure ni dans la fange ni dans les terreins durs , trop
compactes ou trop pierreux ; il lui faut une terre douce*
fournie de racines efculentes , Se fur - tout bien peuplée
d’infeétes & de vers , dont elle fait fà principale nourriture.
Comme les taupes ne fortent que rarement de leur
domicile foûterrain , elles ont peu d’ennemis, Se échappent
aifément aux animaux carnaffiers ; leur plus grand
fléau eft le débordement des rivières; on les voit, dans
les inondations fuir en nombre à la nage , Se faire tous
leurs efforts pour gagner les terres plus élevées ; mais
la plufpart périffent auffi-bien que leurs petits qui relient
dans les trous ; fàns cela, les grands talens qu’elles ont
pour la multiplication nous deviendroient trop incommodes.
Elles s’accouplent vers la fin de l’hiver ; elles ne
portent pas long-temps , car on trouve déjà beaucoup
de petits au mois de mai ; il y en a ordinairement quatre
ou cinq dans chaque portée, & il eft affez aifé de distinguer
, parmi les mottes qu’elles élèvent, celles fous ,
lefquelles elles mettent bas : ces mottes font fàites avec
beaucoup d’art , Se font ordinairement plus greffes Se
plus élevées que les autres. Je crois que ces animaux
produifent plus d’une fois par an , mais je ne puis l’af-
furer ; ce qu’il y a de certain , c ’eft qu’on trouve des
petits depuis le mois d’avril jufqu’au mois d’août : peut-
être aufli que les unes s’accouplent plus tard que les
autres.
Le domicile où elles font leurs petits mériterait une
defcription particulière. 11 eft fàit avec une intelligence
fingulière ; elles commencent par pouffer, par élever la
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