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fommes éloignés de croire à ces fables, ou de recevoir
ces exagérations , autant il nous paroît difficile de fe
refufer à admettre des faits condatés ,* confirmés , &
moralement très-certains. On a mille fois vu, revû,
détruit, renverfé leurs ouvragés ; on les a mefurés, def-
finés, gravés ; enfin | ce qui ne laiffe aucun doute, ce qui
eft plus fort que tous les témoignages paffés, c’eft que
nous en avons de récens & d’aétuels ; c’eft qu’il en
fubfifte encore de ces ouvrages finguliers qui, quoique
moins communs que dans les premiers temps de
la découverte de l’Amérique feptentrionale, fe trouvent
cependant en affiez grand nombre pour que tous les
Millionnaires, tous les Voyageurs, même les plus nouveaux
, qui fe font avancés dans les terres du nord,
affiurent en avoir rencontré.
Tous s’accordent à dire qu’outre les callors qui font
en lociété, on rencontre par-tout dans le même climat
des callors folitaires, lefquels rejetés , difent - ils, de la
fociété pour leurs défauts , ne participent à aucun de fes
avantages , n’ont ni maifon , ni magafin , & demeurent
comme le blaireau dans un boyau fous terre : on a même
appelé ces callors folitaires, cajlors terriers ; ils font aifés
à reconnoître , leur robe eft {a ie, le poil eft rongé fiir
le dos par le frottement de la terre ; ils habitent comme
les autres affiez volontiers au bord des eaux, où quelques-
uns même creufent un folle de quelques pieds de
nient ce fait avec raifon. Voyez auffi fur tes autres faits la plulpar»
des auteurs que nous avons cités dans la note précédente.
profondeur, pour former un petit étang qui arrive jufqu’à
l’ouverture de leur terrier qui s’étend quelquefois à plus
de cent pieds en longueur, & va toujours en s’élevant
afin qu’ils aient la facilité de fe retirer en haut à mefure
que l’eau s’élève dans les inondations ; mais il s’en
trouve auffi , de ces callors folitaires , qui habitent affiez
loin des eaux dans les terres. Tous nos bièvres d’Europe
font des callors terriers & folitaires, dont la fourrure n’eft
pas à beaucoup près auffi belle que celle des callors qui
vivent en fociété. Tous diffèrent par la couleur, fuivant
le climat qu’ils habitent ; dans les contrées du nord
les plus reculées ils font tout noirs , & ce font les plus
beaux ; parmi ces callors noirs il s’en trouve quelquefois
de tout blancs, ou de blancs tachés de gris, & mêlés de
roux fur le chignon & fur la croupe”. A mefure qu’on
s’éloigne, du nord, la couleur s’éclaircit & fe. mêle; ils
font couleur de marron dans la partie feptentrionale du
Canada, châtains vers la partie méridionale , & jaunes
ou couleur de paille chez les Illinoisb. On trouve des
callors en Amérique depuis le trentième degré de latitude
nord jufqu’au foixantième & au delà ; ils font très-
communs vers le nord , & toûjours en moindre nombre
à mefure qu’on avance vers le midi : c’eft la même
chofe dans l’ancien continent ; on n’en trouve en
quantité que dans les contrées les plus feptentrionales,
* Cajtor albus caudâ horifontaliter plana. Briffon , Regn. animal,
pag. 9 4 & fuivantes.
b Hiftoire de ta Nouvelle-France par le P. Charlevoix, Paris,
1 7 4 4 , tome I I , pages 9 4 & fuivantes. Ppiij