a le col court & droit, le cerf l ’a long & arqué; il faut
donc beaucoup plus d’effort pour faire remonter l ’aliment
, & cet effort fe fait par une efpèce de hoquet
dont le mouvement fe marque au dehors & dure pendant
tout le temps de la rumination. Il a la voix d’autant
plus forte, plus greffe & plus tremblante, qu’il efl
plus âgé; la biche a la voix plus foible & plus courte,
elle ne rait pas d’amour, mais de crainte : le cerf rait
d ’une manière effroyable dans le temps du rut, il efl
alors fi tranfporté, qu’il ne s’inquiète ni ne s’effraie de
rien ; on peut donc le furprendre aifément, & comme
il efl furchargé de venaifon, il ne tient pas long temps
devant les chiens; mais il efl dangereux aux aboisf &
il fe jette fur eux avec une efpèce de fureur. H ne
boit guère en hiver, & encore moins au printemps,
l ’herbe tendre & chargée de rofée lui fuffit ; mais dans
les chaleurs & les féchereffes de l’été, il va boire aux
ruiffeaux, aux mares, aux fontaines, & dans le temps
du rut il efl fi fort échauffé (juif cherche l’eau partout,
non feulement pour appaifer fa foif brûlante, mais
pour fe baigner & fe rafraîchir le corps. Il nage parfaitement
bien, & plus légèrement alors que dans tout
autre temps, à caufe de la venaifon dont le volume efl
plus léger qu’un pareil volume d’eau : on en a vu tra-
verfer de très - grandes rivières ; on prétend meme
qu’attirés par l’odeur des biches, les cerfs fe jettent à
la mer dans le temps du rut, & paffent d’une ifîe à une
putre à des diflances de plufieurs lieues ^ ils fautent
encore plus légèrement qu’ils ne nagent, car lorfqu’ils
font pourfuivis ils franchiffent aifément une haie, &
même un palis d’une toife de hauteur. Leur nourriture
efl différente fuivant les différentes faifons ; en automne,
après le rut, ils cherchent les boutons des arbuftes verds,
les fleurs de bruyères, les feuilles de ronces, &c. en
hiver, lorfqu’il neige, ils pèlent Iqs arbres & fe nour-
riffent d’écorces, de mouffe, &c. & lorfqu’il fait un temps
doux, ils vont viander dans les blés ; au commencement
du printemps, ils cherchent les chattons des trembles,
des marfaulës, des coudriers, les fleurs & les boutons
du cornouiller, &c. en été, ils ont de quoi choifir,
mais ils préfèrent les feigles à tous les autres grains, &
la bourgenne à tous les autres bois. La chair du faon
efl bonne à manger, celle de la biche & du daguet
n’efl pas abfolument mauvaife, mais celle des cerfs a
toujours un goût defàgréable & fort : ce que cet animal
fournit de plus utile, ç’efl fon bois & fa peau ; on la
prépare, & elle fait un cuir fouple & très-durable : le
bois s’emploie par les couteliers, les fourbiffeurs, &c.;
& l’on en tire par la chymie, des efprits alkali-volatilsi
dont la médecine fait un fréquent ufàge.
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