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la venaifon % le rut, &c. Et comme le cerf croît fort
vite dans le premier âge | il ne fe paffe qu’un an depuis
fa naiffance jufqu’au temps où cette furabondance
commence à fe marquer au dehors par la produétion
du bois : s’il eft né au'mois de mai, on verra paroître
dans le même mois de l’année fuivante, les nailfances
du bois qui commence à pouffer fur le têt b. Ce font
deux dagues qui croiffent, s’alongent & s’endurciffent
à mefure que l’animal prend de la nourriture ; »lies
ont déjà vers la fin d’août pris leur entier accroiffe-
ment, & affez de folidité pour qu’il cherche à les dépouiller
de leur peau en les frottant contre les arbres;
& dans le même temps il achève de fe charger de venaifon
, qui eft une graiffe abondante produite auffi par
le fuperflu de la nourriture, qui dès - lors commence
à fe déterminer vers les parties de la génération, & à
exciter le cerf à cette ardeur du rut qui le rend furieux.
Et ce qui prouve évidemment que la produétion du
bois & celle de la liqueur féminale dépendent de la
même caufe, c’eft que fi vous détruifez la fource de
la liqueur féminale en fupprimant par la caftration les
organes néceffaires pour cette fécrétion, vous fuppri-
mez en même temps la procluétion du bois , car fi
* V en a ifo n , c’eft la graifle du cerf, qui augmente pendant l’été,
& dont il eft furchargé au commencement de l’automne, dans le
temps du rut.
6 Le têt eft la partie de l’os frontal fur laquelle appuie le bois
du cerf. ,1
on
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l’on fait cette opération dans le temps qu’il a mis bas
fa tête, il ne s’en forme pas une nouvelle ; & fi on ne
la fait au contraire que dans le temps qu’il a refait fà
tête, elle ne tombe plus, l’animal en un mot refte pour
toute la vie dans l’état où il étoit lorfqu’il a fubi la
caftration ; & comme il n’éprouve plus les ardeurs du rut,
les figries qui [’accompagnent difparoiffent auffi, il n’y
a plus de venaifon , plus d’enflure au col ni à la gorge ,
& il devient d’un naturel plus doux & plus tranquille.
Ces parties que l’on a retranchées étoient donc né-
ceflâires, non feulement pour faire la fécrétion de la
nourriture furabondante, mais elles fervoient encore à
l’animer, à la pouffer au dehors dans toutes les parties
du corps fous la forme de la venaifon, & en particulier
au fommet de la tête, où elle fe manifefte plus que
par-tout ailleurs par la produétion du bois. Il eft vrai
que les cerfs coupés ne laiffent pas de devenir gras,
mais ils ne produifent plus de bois, jamais la gorge ni
le col ne leur enflent, & leur graiffe ne s’exalte ni ne
s’échauffe pas comme la venaifon des cerfs entiers qui,
lorfqu’ils font en rut , ont une oideur fi forte , qu’elle
infeéte de loin ; leur chair même en eft fi fort imbue
& pénétrée, qu’on ne peut ni la manger, ni la fentir,
& qu elle fe corrompt en peu de temps, au lieu que
celle du cerf coupé fe conferve fraîche, & peut fe
manger dans tous les temps. Une autre preuve que fa
produétion du bois vient uniquement de la furabondance
de la nourriture, c’eft la différence qui fe trouve
Tome VI. L