Comme la chevrette ne porte que cinq mois &
demi, & que l’accroiffement du jeune chevreuil eft
plus prompt que celui du cerf, la durée de là vie elt
plus courte, & je ne crois pas qu’elle's’étende à plus
de douze ou quinze ans tout au plus. J ’en ai élevé
plufieurs, mais je n’ai jamais pu les garder plus de cinq
ou fix ans; ils font très - délicats fur le choix de la
nourriture ; ils ont befoin de mouvement , de beaucoup
d’air, de beaucoup d’efpace, & c ’eft ce qui fait
qu’ils ne réfiftent que pendant les premières années de
leur jeunelfe aux inconvéniens de la vie domeftique : il
leur faut une femelle, & un parc de cent arpens, pour
qu’ils foient à leur aife : on peut les apprivoifer, mais
non pas les rendre obéilfans, ni même familiers ; ils
retiennent toujours quelque chofe de leur naturel fau-
vage ; ils s’épouvantent aifément, & ils fe précipitent
contre les murailles avec tant de force, que fouvent
ils fe calfent les jambes. Quelque privés qu ils puiffent
être, il faut s’en défier; les mâles fur-tout font fujets
à des caprices dangereux, à prendre certaines per-
fonnes en averfion, & alors ils s’élancent & donnent
des coups de tête affez forts pour renverfer un homme,
& ils le foulent encore avec les pieds lorfqu’ils l’ont
renverfé. Les chevreuils ne raient pas fi fréquemment,
ni d’un cri auffi fort que le cerf; les jeunes ont une
petite vo ix, courte & plaintive, mi__mi, par laquelle
ils ijiarquent le befoin qu’ils ont de nourriture : ce
fon
fon eft aifé à imiter, & la mère trompée par l ’appeau
arrive jufque fous le fufd du chaffeur.
En hiver, les chevreuils fe tiennent dans les taillis
les plus fourrés, & ils vivent de ronces , de genêt,
de bruyère & dè chatons de coudrier, de marfàule,
&c. Au printemps, ils vont dans les taillis plus clairs,
& broutent les boutons & les feuilles naiffantes de
prefque tous les arbres : cette nourriture chaude fermente
dans leur eftomac , & les enivre de manière
qu’il eft alors très-aifé de les furprendre ; ils ne favent
où ils vont, ils fortent même affez fouvent hors du
bois , & quelquefois ils approchent du bétail & des
endroits habités. En été, ils relient dans les taillis élevés
, & n’en fortent que rarement pour aller boire à
quelque fontaine, dans les grandesféchereffes; car pour
peu que la rofée foit abondante, ou que les feuilles
foient mouillées de la pluie, ils fe pafTent de boire.
Il s cherchent les nourritures les plus fines, ils ne vian-
dent pas avidement comme le cerf, ils ne broutent
pas indifféremment toutes les herbes, ils mangent délicatement,
& ils ne vont que rarement aux gaignageÿ
parce qu’ils préfèrent la bourgène & la ronce aux
grains & aux légumes,
La chair de ces animaux e ft, comme l’on fait, ex-*
eellente à manger, cependant il y a beaucoup de choix
à faire ; la qualité dépend principalement du pays qu’ils
habitent, & dans le meilleur pays il s’en trouve encore
de bons & de mauvais : les bruns ont la chair plus
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