8 a H i s t o i r e N a t u r e l l e
entre ks têtes des cerfs de même âge, dont les unes
font très - greffes, très-fournies, & les autres grêles &
menues , ce qui dépend afafolument de la quantité de :1a
nourriture ; car un cerf qui hahite un pays abondant, où
il viande à fon aife , où il n’eft troublé ni par les chiens,
ni par les hommes, où après avoir repu tranquillement
il peut en fuite ruminer en repos , aura toujours la tete
te lle , haute, bien ouverte, l’empaumure * large&bien
garnie, le mérainb gros & bien perlé, avec grand nombre
d ’andouillers forts & longs ; au lieu que celui qui fe
trouve dans ’lin pays ou H n a. ni repos , ni nourriture
fuffifante, n’aura qu’une tête mal nourrie , dont l’ern-
paumtire fera ferrée, le mérain grêle , & les .an douillets
menus & en petit nombre ; en forte qu’il eft toujours
aifé de juger par la tête d ’un cerf, s’il habite un pays
abondant & tranquille, & s’il a été bien ou mal nourri.
Ceux qui fe portent mal, qui ont ete bleffes, ou feulement
qui ont été inquiétés .& courus, prennent rarement
une belle tête & une bonne venaifon , ils n’entrent en
rut que plus tard, il leur a fallu plus de temps pour
refaire leur tê te , & ils ne la mettent bas qu’après les
autres ; ainfi tout concourt à faire voir que ce bois
n’élt, comme la liqueur féminale, que té fuperflu, rendu
fenfible, de ,1a nourriuire organique qui ne peut être
* Empaumure, c’eft le haut de la tête du cerf, qui s’élargit comme
une main, & où il y a plufieurs andouillers rangés inégalement
comme des doigts.
k Mérain, c’eft le tronc, la tige du bois de cerf.
employée toute entière au développement, à l’accroiffe-
ment ou à l’entretien du corps de l’animal.
La difette retarde donc l ’accroiffement du bois, &
en diminue le volume très-confidérablement; peut-être
même ne feroit-il pas impoffible, en retranchant beaucoup
la nourriture, de fupprimer en entier cette pro duction,
fans avoir recours à la caftration : ce qu’il y
a de fu r , c ’eft que les cerfs coupés mangent moins
que les autres; & ce qui fait que dans cette efpèce,
auffi-bien que dans celle du daim, du chevreuil & de
l ’élan , les femelles n’ont point de b o is, c ’eft qu’elles
mangent moins que les males, & que quand meme
il y aurait de la furabondance, il arrive que dans le
temps où elle pourrait fe manifefter au dehors, elles
deviennent pleines, par conféquent le fuperflu de la
nourriture étant employé à nourrir le foetus & enfuite à
allaiter le faon, il n’y a jamais rien de furabondant. Et
l’exception que peut faire ici la. femelle du renne, qui
porte un bois comme le mâle, eft plus favorable que
contraire à cette explication ; car de tous les animaux
qui portent un bois, le renne eft celui qui, proportionnellement
à fa taille, l’a d’un plus gros & d’un plus
grand volume, puifqu’il s’étend en avant & en arrière,
fbuvent tout le long de fon corps: c’eft auffi de tous
celui qui fe charge le plus abondamment * de venaifon,
* Le rangier ( c ’tji le renne J , eft une bête lèmbîabie au cerf,
& a (à tête diverfe, plus grande & chevillée ; il porte bien quatre-
vingts cors, aucune fois moins, là tête lui couvre le corps; il a plus
L ij