6 H i s t o i r e N a t u r e l l e
auffi très - propres à amufer les enfans fi les coups
de patte n’étoient pas à craindre ; mais leur badinage,
quoique toujours agréable & léger , n’eft jamais innocent,
& bien-tôt il fe tourne en malice habituelle ;
& comme ils ne peuvent exercer ces talens avec
quelque avantage que fur les plus petits animaux , ils fe
mettent à l’affût près d’une cage, ils épient les oifeaux,
les fouris, les rats, & deviennent d’eux-mêmes, &
fans y être drelfés , plus habiles à la chaffe que les
chiens les mieux inftruits. Leur naturel, ennemi de toute
contrainte, les rend incapables d’une éducation fuivie.
On raconte néanmoins que des moines grecs * de
fille de Chypre avoient dreffé des chats à chaffer,
prendre & tuer les ferpens dont cette iffe étoit infeftée,
mais c’étoit pluftôt par le goût général qu’ils ont pour
la deftruélion, que par obéiflance qu’ils chaffoient ; car
ils fe plaifent à épier, attaquer 6c détruire affez indifféremment
tous les animaux foibles, comme les oifeaux,
les jeunes lapins, les levreaux, les rats, les fouris, les mulots,
les chauve - fouris , les taupes, les crapauds, les
grenouilles, les lézards & les ferpens. Ils n’ont aucune
docilité, ils manquent auffi de la fineffe, de l ’odorat,
qui dans le chien font deux qualités éminentes; auffi
ne pourffiivent - ils pas les animaux qu’ils ne voient
plus , ils ne les chaffent pas, mais ils les attendent, les
attaquent parftirprife,.&aprèss’en être joués long-temps
ils les tuent fans aucune néceffité, lors même qu’ils
* Defcription des Mes de i’Archipel, par Dapper, page p i ,
font le mieux nourris & qu’ils n’ont aucun befoin de
cette proie pour fatisfaire leur appétit.
La caufe phyfique la plus immédiate de ce penchant
qu’ils ont à épier 6c furprendre les autres animaux,
vient de l’avantage que leur donne la conformation
particulière de leurs yeux. La pupille dans l’homme,
comme dans la plulpart des animaux, eft capable d’un
certain degré de contraélion & de dilatation ; elle s’élargit
un peu lorfque la lumière manque, 6c fe rétrécit
lorfqu’elle devient trop vive. Dans l’oeil du chat 6c des
oifeaux de nuit, cette contraélion 6c cette dilatation
font fi confidérables, que la pupille, qui dans l ’obfcurité
elt ronde 6c large, devient au grand jour longue & étroite
comme une ligne, & dès-lors ces animaux voient mieux
la nuit que le jour, comme on le remarque dans les
chouettes, les hiboux, 6cc. car la forme de la pupille
eft toujours ronde dès qu’elle n’eft pas contrainte. Il y
a donc contraélion continuelle dans-l’oeil du chat pendant
le jour, 6c ce n’eft, pour ainfi dire, que par effort
qu’il voit à une grande lumière ; au lieu que dans le
crépufcule, la pupille reprenant fon état naturel, il voit
parfaitement, 6c profite de cet avantage pour reeonnoître,
attaquer 6c furprendre les autres animaux.
On ne peut pas dire que les chats, quoiqu’habitans
de nos maifons, foient des animaux entièrement domef-
tiques; ceux qui font le mieux apprivoifés n’en font pas
plus affervis : on peut même dire qu’ils font entièrement
libres, ils ne font que ce qu’ils veulent,- 6c ri en aïs