6 8 H i s t o i r e N a t u r e l l e
de devant, à moins qu’ils n’aient mis bas leurs têtes,'
car alors les vieux cerfs fe méjugent a prefque autant
que les jeunes, mais d’une manière différente, & avec
une forte de régularité que n’ont ni les jeunes cerfs,
ni les biches ; ils pofent le pied de derrière à côté de
celui du devant, & jamais au - delà ni en deçà,
Lorfque levéneur, dans les féchereffes de l’été, ne
peut juger par le pied, il eft obligé de fuivre le contre-
pied h de la bête pour tâcher de trouver les fumées,
& de la reconnoître par cet indice, qui demande autant
& peut-être plus d’habitude que la connoiffance du
pied ; fans cela, il ne lui ferait pas poffible de faire un
rapport jufte à l’affemblée des chaffeurs. Et lorfque fur
ce rapport l’on aura conduit les chiens à fes brifees c,
il doit encore fàvoir animer fon limier , & le faire
appuyer fur les voies jufqu’à ce que le cerf foit lance :
dans cet in fiant, celui qui laiffe courre d, fonne pour
faire découpler e les chiens, & dès qu’ils le font-,
il doit les appuyer de la voix & de la trompe ; il doit
auffi être connoiffeur, & bien remarquer le pied de
* Se méjuger, c’eft, pour ïe cerf, mettre le pied de derrière hors
de la trace de celui de devant.
b Suivre le contre-pied, c’eft luivre les traces à rebours.
c Brifée's, endroit où ie cerf eft entré, & où l’on a rompu des
branches pour le remarquer.
d Laijfer courre un cerf, c’eft le lancer avec le limier, c’eft-à-dire,
le faire partir.
* Découpler les chiens, c’eft détacher les chiens l’un d’avec l’autre
pour les faire chafîèr.
fon cerf, afin de le reconnoître dans le change * ou
dans le cas qu’il foit accompagné. Il arrive fouvent
alors que les chiens fe féparent, & font deux chafTes :
les piqueurs b doivent fe féparer auffi & rompre c les
chiens qui fe font fourvoyés d, pour les ramener & les
rallier à ceux qui chaffent le cerf de meute. Le piqueur
doit bien accompagner fes chiens , toujours piquer à
côté d’eux, toujours les animer fans trop les preffer,
les aider fur le change , fur un retour, & pour ne fe
pas méprendre, tâcher de revoir du cerf auffi fouvent
qu’il eft poffible ; car il ne manque jamais de faire des
rufes , il paffe & repaffe fouvent deux ou trois fois fur
fà voie , il cherche à fe faire accompagner d’autres
bêtes pour donner le change, & alors il perce & s’éloigne
tout de fuite, ou bien il fe jette à l’écart, fe
cache, & refte fur le ventre. Dans ce cas, lorfqu’on
eft en défaut e, on prend les devans, on retourne for
les derrières ; les piqueurs &" les chiens travaillent de
concert : fi l’on ne retrouve pas la voie du cerf, on
juge qu’il eft refté dans l’enceinte dont on vient de
* C han ge, c’eft lorfque le cerf en va chercher un autre pour
le fubftituer à là place.
1 Les piqueurs font ceux qui courent à cheval après les chiens,
& qui les accompagnent pour les faire chalfer.
* Rompre les chiens, c’eft les rappeler & leur faire quitter ce
qu’ils cbaflènt.
d S e fourvoyer, c’eft: s’écarter de la voie & chafîêr quelque autre
cerf que celui de la meute.
' Etre en défaut, c’eft lorfque les chiens ont perdu la voie du cerf