après quoi elles s’arrachent fous le ventre une affez
grande quantité de poils, dont elles font une efpèce de
lit pour recevoir leurs petits. Pendant les deux premiers
jours, elles ne les quittent pas, elles ne fortent que
lorfque le befoin les preffe, & reviennent dès qu’elles
ont pris de la nourriture : dans ce temps, elles mangent
beaucoup & fort vite ; elles foignent ainfi & allaitent
leurs petits pendant plus de fix femaines. Jufqu’alors le
père ne les connoît point, il n’entre pas dans ce terrier
qu’a pratiqué la mère; fouvent même, quand elle en
fort, & qu’elle y laiffe Tes petits, elle en bouche l’entrée
avec de la terre détrempée de fon urine ; mais
lorfqu’ils commencent à venir au bord du trou, & à
manger du féneçon & d’autres herbes que la mère
leur préfonte, le père fomble les reconnoître, il les
prend entre fos pattes, il leur luftre le poil , il leur
lèche les yeux, & tous, les uns après les autres, ont
également part à fos foins : dans ce même temps la
mère lui fait beaucoup de careffes, & fouvent devient
pleine peu de jours après.
Un Gentilhomme * de mes voifins , qui pendant
plufieurs années s’eft amufo à élever des lapins, m’a
communiqué ces remarques. « J’ai commence, dit-il,
» par avoir un mâle & une femelle feulement, le mâle
» étoit tout blanc & la femelle toute grifo, & dans leur
» poflérité, qui fut très-nombreufo, il y en eut beaucoup
» plus de gris que d’autres, un affez bon nombre de
’ * M. ie Chapt du Mourier.
blancs & de mêlés, & quelques-uns de noirs...........«
Quand la femelle eft en chaleur, le mâle ne la quitte «
prefque point ; fon tempérament eft fi chaud, que je «
l ’ai vû fo lier avec elle cinq ou fix fois en moins d’une «
heure.......... La femelle, dans le temps de l’accou- «
plement, fo couche fur le ventre à plate terre , les «
quatre pattes alongées , elle fait de petits cris qui «
annoncent piuftôt le plaifir que la douleur : leur façon «
de s’accoupler refîemble affez à celle des chats, à la «
différence pourtant que le mâle ne mord que très-peu «
fà femelle fur le chignon.........La paternité, chez ces «
animaux, eft très-refpeélée ; j’en juge ainfi par la grande «
déférence que tous mes lapins ont eue pour leur pre- «
mier père, qu’il m’étoit aifé de reconnoître à caufe «
de fa blancheur , & qui eft le foui mâle que j ’aie «
confervé de cette couleur : la famille avoit beau sang- «
menter, ceux qui devenoient pères à leur tour luiétoient «
toujours fuhordonnés; dès qu’ils fo battaient, foit pour «
des femelles, foit parce qu’iis fo difputoient la nour- «
riture, le grand-père, qui entendoit du bruit, accouroit «
de toute fa force, & dès qu’on l’apercevoit, tout «
rentrait dans l’ordre, & s’il en attrapoit quelqu’un aux «
prifos , il les féparoit & en fàifoit fur le champ un «
exemple de punition. Une autre preuve de fa domi- «
nation fur toute fa poflérité, c’eft que les ayant accoû- «
tumés à rentrer tous à un coup de fifHet, lorfque je «
donnois ce fignal, & quelquè éloignés qu’ils fuffent, «
je voyois le grand-père fe mettre à leur tête, & quoique «
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