z o 6 H i s t o i r e N a t u r e l l e
extrêmement fcnfible : j ’ai été témoin d’un coup de
fufil, dont la baie coupa net l’un des côtés du refait
de la tête qui commençoit à pouffer ; le chevreuil
fut fi' fort étourdi du coup, qu’il tomba comme mort :
le tireur qui en étoit près, fe jeta deffus & le fàifit
par le pied, mais le chevreuil ayant repris tout d’un
coup le fentiment & les forces, l’entraîna par terre
à plus de trente pas dans le bois, quoique ce fût un
homme très-vigoureux; enfin ayant été achevé d’un
coup de couteau, nous vimes qu’il n’avoit eu d’autre
blelfure que le refait coupé par la balle. L ’on lait
d ’ailleurs que les mouches font une des plus grandes
incommodités du cerf : lorfqu’il refait là tête , il fe
recèle alors dans le plus fort du bois où il y a le
moins de mouches , parce qu’elles lui font infuppar-
tables lorfqu’elles s’attachent à fa tête nailîànte ; ainfi ,
il y a une communication intime entre les parties
molles de ce bois vivant, & tout le fÿftème nerveux
du corps de l ’animal. Le chevreuil, qui n’a pas
à craindre les mouches , parce qu’il refait là tête en
hiver, ne fe recèle pas, mais il marche avec précaution
, & porte la tête balfe pour ne pas toucher aux
branches.
Dans le cerf, le daim & le chevreuil, l ’os frontal
a deux apôphyfes, ou éminences , fur lefquelles porte
le bois; ces deux éminences offeufes commencent à
pouffer à cinq ou fix mois, & prennent en peu de
temps leur entier accroiffement ; & loin de continuer
à s’élever davantage à mefure que l’animal avance en
âge, elles s’abaiffent & diminuent de hauteur chaque
année; en forte que les meules , dans un vieux cerf
ou dans un vieux chevreuil, appuient d’alfez près fur
l’os frontal, dont les apôphyfes font devenues fort
larges & fort courtes : c ’eft même l’indice le plus lür
pour reconnoître l ’âge avancé dans tous ces animaux.'
II me femble que l’on peut aifément rendre raifon
de cet effet, qui d’abord paroît fingulicr, mais qui
ceffe de l’être fi l’on fait attention que le bois qui
porte fur cette éminence , preffe ce point d’appui
pendant tout le temps de fon accroiffement ; que par
conféquent il le comprime avec une grande force
tous les ans, pendant piufieurs mois : & comme cet
o s , quoique .dur, ne l’eft pas plus que les autres o s ,
il ne peut manquer de céder qn peu à la force qui
le comprime, en forte qu’il s’élargit, fe rabaiffe &
s’aplatit toujours de plus en plus par cette même com-
prefïion réitérée à chaque tête que forment ces animaux.
Et c’eft ce qui fait que quoique les meules &
le mérain groffiffent toujours , & d’autant plus que
l’animal eft plus âgé, la hauteur de la tête & Je nombre
des andouillers diminuait fi fort, qu’à la fin, forfqu’ils
parviennent à un très-grand âge, iis n’ont plus que
deux groffes dagues ( comme on le peut voir dans
la planche x x i , fig. 2 . ) ou des têtes bizarres &
contrefàites, dont le mérain eft .fort gros & dont les
andouillers font très-petits.