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 trouve point dans  le bois  qui  croît fur  la  tete  des  cerfs ;  
 au  contraire,  rien  n  eft plus  femblable a 1 accroiftement  
 du  bois  d’un  arbre :  le  bois  du  cerf ne  s’étend  que  par  
 t’une de fes extrémités,  l’autre  lui  fert de point d’appui ;  
 il  eft  d’abord  tendre  comme  l’herbe,  6c  fe  durcit  en-  
 fuite  comme  le  bois ;  la peau  qui  s  etend  6c  qui  croît  
 avec lui, eft fon écorce, & il s’en dépouille lorfqu il a pris  
 fon  entier  accroiffement  ;  tant  qu’il  croit,  1 extrémité  
 fopérieure  demeure  toujours molle;  il  fe  divife  auffi en  
 plufieurs rameaux ;  le mérain  eft  l’arbre,  les  andouillers  
 en  font  les branches;  en  un  mot,  tout  eft  femblable,  
 tout  eft  conforme  dans  le  développement  6c  dans  l’ac-  
 croiffement  de  l ’un  6c  de  l’autre;  6c  dès-lors  les molécules  
 organiques  qui  conflituent  la fubftance vivante  du  
 bois  de  cerf,  retiennent  encore l’empreinte  du  végétal,  
 parce  qu’elles  s’arrangent  de  la meme  façon  que  dans  
 les  végétaux.  La matière domine donc  ici  fur  la  forme:  
 le  cerf,  qui  n’habite,  que  dans  les  bois,  6c  qui  ne  fe  
 nourrit  que  des  rejetons  des  arbres,  prend  une  fr forte  
 teinture  de  bois,  qu’il  produit  lui-meme  une  efpece  
 de  bois  qui  conferve  allez les  caractères  de  fon  origine  
 pour  qu’on  ne  puiffe  s’y méprendre;  6c  cet  effet,  quoique  
 très-fingulier, n’eft  cependant pas  unique,  il dépend  
 d’une  caufe générale que j’ai déjà eu occafron  d indiquer  
 plus d’une  fois  dans  cet  ouvrage. 
 C e   qu’il  y  a  de  plus  confiant,  de  plus  inaltérable  
 dans  la Nature,  c’efl l’empreinte ou le moule de chaque 
 efpece,  tant  dans  les animaux  que dans les  végétaux;  ce  
 qu’il y  a  de  plus  variable  6c  déplus  corruptible,  c’efl la  
 fubftance qui les compofe. La matière, en général, paraît  
 être indifférente à recevoir telle ou telle forme, 6c capable  
 de porter  toutes les  empreintes  poffibles :  les molécules  
 organiques,  c ’eft-à-dire,  les  parties  vivantes  de  cette  
 matière, paffent  des végétaux aux animaux, fans deftruc-  
 tion,  fans  altération,  6c  forment  egalement  la  fubftance  
 vivante  de  l’herbe,  du  bois,  de  la  chair  6c  des  os.  Il  
 paraît  donc  à  cette  première  vue,  que  la  matière  ne  
 peut  jamais dominer fur la forme,  6c  que  quelque efpece  
 de  nourriture  que  prenne un  animal, pourvu  qu il puiffe  
 en  tirer les molécules  organiques  qu elle  contient, 6c fe  
 les  affimiler  par  la  nutrition,  cette  nourriture  ne  pourra  
 rien  changer  à  fà  forme,  6c  n  aura  d autre  effet  que  
 d’entretenir ou  faire  croître  fon  corps,  en  fe modelant  
 for  toutes  les  parties  du  moule  intérieur,  6c  en  les  
 pénétrant  intimement:  ce  qui  le  prouve,  c ’eft  qu’en  
 général les animaux qui ne vivent que d herbe,  qui paroît  
 être  une fubftance très  differente de celle de leur  corps,  
 tirent de  cette herbe de quoi faire de la  chair 6c  du  fang;  
 que  même  ils  fe  nourriffent,  croiffent  6c  groffifferit  
 autant  6c  plus  que  les  animaux  qui  ne  vivent  que  de  
 chair.  Cependant,  en  obfervant  la Nature  plus  particulièrement, 
  on  s’apercevra que quelquefois ces molécules  
 organiques  ne  s’aftimilent  pas  parfaitement  au  moule  
 intérieur,  6c que  fouvent la matière ne laiffe pas d’influer