leur première tête commence à paraître fous la forme
de deux dagues beaucoup plus petites que celles du
cerf ; mais ce qui marque encore une grande difîüfence
entre ces animaux, c’eft que le cerf ne met bas là
tête qu’au printemps, & ne la refait qu’en été, au lieu
que le chevreuil la met bas à la fin de l’automne, &
la refait pendant l’hiver. Plufieurs caufes concourent
à produire ces effets différens. Le cerf prend en été
beaucoup de nourriture, il fe charge d’une abondante
venaifon, enfuite il s’épuife par le rut au point qu’il
lui faut tout l’hiver pour fe rétablir & pour reprendre fes
forces; loin donc qu’il y ait alors aucune furabon-
dance, il y a difette & défaut de fubftance , & par
conféquent fa tête ne peut pouffer qu’au printemps,
lorfqu’il a repris aflez de nourriture pour qu’il y en
ait de fuperflue. Le chevreuil au contraire, qui ne s’épuife
pas tant, n’a pas befoin d’autant de réparation;
& comme il n’eft jamais chargé de venaifon , qu’il
eft toujours prefque le même, que le rut ne change
Tien à fon état * il a dans tous les temps la même
furabondance ; en forte qu’en hiver même, & peu de
temps après le rut , il met bas fa tête & la refait.
Ainfi, dans tous ces animaux, le fiiperflu de la nourriture
organique, avant de fe déterminer vers les réfer-
yoirs féminaux, & de former la liqueur féminale, fe
porte vers la tête, & fe manifefte à l’extérieur par la
production du b ois, de la même manière que dans
l ’homme le poil & la barbe annoncent & précèdent
la liqueur féminale; & il paraît que ces productions,
qui font, pour ainfi dire, végétales, font formées d’une
matière organique , fiirabondante, mais encore imparfaite
& mêlée de parties brutes, puifqu’elles confer-
vent dans leur accroiflement & dans leur fubftance, les
qualités du végétal ; au lieu que la liqueur féminale,
dont là production eft plus tardive, eft une matière
purement organique, entièrement dépouillée des parties
brutes, & parfaitement afiimilée au corps de l’animal.
Lorfque le chevreuil a refait là tête, il touche au
bois, comme le cerf, pour la dépouiller de la peau
dont elle eft revêtue, & c’eft ordinairement dans Je
mois de mars , avant que les arbres commencent
à pouffer ; ce n’eft donc pas la fève du bois qui
teint la tête du chevreuil : cependant elle devient
brune à ceux qui ont le pelage brun, & jaune à ceux
qui font roux, car il y a des chevreuils de ces deux
pelages, & par conféquent cette couleur du bois ne
vient, comme je l’ai dit * , que de la nature de l’animal
& de l’imprefi'ion de l’air. A la fécondé tête, le chevreuil
porte déjà deux ou trois andouillers fur chaque
côté ; à la troifième, il en a trois ou quatre ; à la
quatrième, quatre ou cinq, & il eft bien rare d’en
trouver qui en aient davantage : on reconnoît feulement
qu’ils font vieux chevreuils , à l’épaiffeur du
mérain, à la largeur de la meule, à la grofleur des
perlures , &c. Tant que leur tête eft molle, elle eft
* Voye\ ci-devant l’hiftoire du cerf.
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