258 I I i s t o i re N a t u r e l l e
de vingt fois devant moi. » Mais ce font là fans doute
les plus grands efforts de leur inftinét; car leurs rufes
ordinaires font moins fines & moins recherchées, ils
fe contentent, lorfqu’iis font lancés & pourfuivis, de
courir rapidement, .& enfuite de tourner & retourner
fur leurs pas; ils ne dirigent pas leur courfe contre
le vent, mais du côté oppofé : les femelles ne s’éloignent
pas tant que les mâles & tournoient davantage.
En général, tous les'lièvres qui font nés dans
le lieu même où on les chaffe ne s’en écartent guère,
ils reviennent au gîte, & fi on les chaffe deux jours
de fuite, ils font le lendemain les mêmes tours &
détours qu’ils ont faits la veille. Lorfqu’un lievre va
droit & s’éloigne beaucoup du lieu où il a été lance,
c’efl une preuve qu’il efî étranger, & qu’il n’étoit
en ce lieu qu’en paflànt. Il vient en effet , fur-tout dans
le temps le plus marqué du rut, qui eft aux mois de
janvier,, ide février & de mars, des lièvres mâles, qui
manquant de femelles en leur pays, font plufieurs lieues
pour en trouver & s’arrêtent auprès d’elles, mais dès
qu’ils font lancés par les chiens, ils regagnent leur pays
natal & ne reviennent pas. Les femelles ne fortent
jamais , elles font plus greffes que les mâles, & cependant
elles ont moins de force & d’agilité & plus de
timidité, car elles n’attendent pas au gîte les chiens de
fi près que les mâles, & elles multiplient davantage
leurs rufes & leurs détours ; elles font auffi plus délicates
& plus fufceptihles des impreffions de l’air, elles
craignent l’eau & larofée, au lieu que parmi lés mâles
il s’en trouve plufieurs, qu’on appelle lièvres ladres, qui
cherchent les eaux, & fe font chaffer dans les étangs ,
les marais & autres lieux fangeux. Ges lièvres- ladres ont
la chair de fort mauvais goût,i &- en général tous les
lièvres qui habitent les plaines baffes ou les vallées ont
la chair infipide & blancheâtre, au lieu que dans lés
pays de collines élevées ou de plaines en montagne,
où le ferpolet & les autres herbes fines abondent, les
levrauts, & même les vieux lièvres, font exceliens au
goût. On remarque feulement que ceux qui habitent le
fond des bois dans ees mêmes pays, ne font pas à
beaucoup près auffi bons que ceux qui en habitent les
libères, ou qui fe tiennent dans les champs & dans les
vignes , & que les femelles ont toujours la chair plus
délicate que les mâles.
La nature du terroir influe fur ces animaux comme
fur tous les autres : les lièvres de montagne font plus
grands &■ plus gros que les lièvres de plaine, ils font
auffi de couleur différente ; ceux de montagne font plus
bruns' fur le corps, & ont plus de blanc fous le cou
que ceux de plaine, qui font prefque rouges. Dans les
hautes'ni ontagn es, & dans'les pays du Mord , ils deviennent
blancs pendant l’hiver, & reprennent en etc
leur couleur ordinaire ; il n’y en a que quelques-uns,
& ce font peut-être les plus vieuxqui relient toujours
blancs, car tous le deviennent plus ou moins en vieil-
liffant. Les lièvres des pays chauds, d’Italie, d’Ëfpagne,