cependant il fe trouve, même en affez grand nombre î
des cerfs bruns, & d’autres qui font roux : les cerfs
blancs font bien plus rares, <5c femblent être des cerfs
devenus domeftiques ; mais très - anciennement, car
Ariflote & Pline parlent des cerfs blancs, Sc il paroît
qu’ils n’étoient pas alors plus communs qu’ils ne le
font aujourd’hui. La couleur du bois, comme la couleur
du poil, femble dépendre en particulier de l’âge 8c
de la nature de l’animal, & en général de l’imprefîîon
de l’air : les jeunes cerfs ont le bois plus blancheâtre 6c
moins teint que les vieux. Les cerfs dont le pelage efl
d ’un fauve clair 8c délaié, ont fouvent la tête pâle &
mal teinte ; ceux qui font d’un fauve v if, l ’ont ordinairement
rouge; 6c les bruns , fur-tout ceux qui ont
du poil noir fur le c o l, ont aufïï la tête noire. Il efl
vrai qu’à l ’intérieur le bois de tous les cerfs efl à peu
près également blanc , mais ces bois diffèrent beaucoup
les uns des autres en folidité, 6c par leur texture
plus ou moins ferrée; il y en a qui font fort fpongieux,
& où même il fe trouve des cavités affez grandes :
cette différence dans la texture fuffit pour qu’ils puiffent
fe colorer différemment, 6c il n’ell pas néceffaire d’avoir
recours à la fève des arbres pour produire cet
effet, puifque nous voyons tous les jours l ’ivoire le
plus blanc jaunir ou brunir à l’air, quoiqu’il foit d’une
matière bien plus compacte $c moins poreufe que celle
du bois du cerf.
L e cerf paroît ayoir l’oeil bon, l’odorat exquis, Sc
l’oreille
l’oreille excellente. Lorfqu’il veut écouter, il lève la
tête, dreffe les oreilles, & alors il entend de fort loin;
lorfqu’il fort dans un petit taillis ou dans quelqu’autre
endroit à demi découvert, il s’arrête pour regarder de
tous côtés, 6c cherche ensuite le deffous du vent pour
fentir s’il n’y a pas quelqu’un qui puiffe T'inquiéter.'
Il efl d’un naturel affez fïmple, 8c cependant il efl curieux
& rufé : lorfqu’on le fifHe ou qu’on l ’appelle de
lo in , il s’arrête tout court Sc regarde fixement 6c avec
une efpèce d’admiration les voitures, le bétail, les
hommes; & s’ils n’ont ni armes, ni chiçns, il continue
à marcher d’affurance * , 8c paffe fon chemin fîère-;
ment & fans fuir : il paroît auffi écouter avec autant de
tranquillité que de plaifir le chalumeau ou le flageolet
des bergers, & les véneurs fe fervent quelquefois de
cet artifice pour le raffurer. En général il craint beaucoup
moins l ’homme que les chiens, 8c ne prend de
la défiance & de la rufe qu’à mefure & qu’autant qu’il
aura été inquiété : il mange lentement, il choifit fà
nourriture ; 6c lorfqu’il a viandé, il cherche à fe repofer
pour ruminer à loifir, mais il paroît que la rumination
ne fe fait pas avec autant de facilité que dans le boeuf;
ce n’eft, pour ainfi dire, que par fecouffes que le cerf
peut faire remonter l’herbe contenue dans fon premier
eflomac. Cela vient de la longueur & de la direction
du chemin qu’il faut que l’aliment parcoure : le boeuf
* Marcher d'ajfurance, aller d’ajfurance, ç’eft torique te cerf va
(l’un pas réglé &; tranquille,
Tome V I. U