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les voies pluftôt à i’oeii qu’à'l’odorat. Dans cette faifon
comme les cerfs ne trouvent pas à viander a dans
les forts, ils en fortent, vont & viennent dans les pays
plus découverts, dans les petits taillis, & même dans les
terres enfemencées ; ils fe mettent en hardes b dès le
mois de décembre, & pendant lès grands froids ils
cherchent à fe mettre à l’abri des côtes, ou dans des
endroits bien fourrés où ils fe tiennent ferrés les uns
contre les autres, & fe réchauffent de leur haleine. A
la fin de l’hiver, ils gagnent le bord des forêts, &
fortent dans les blés. Au printemps ils mettent bas c,
la tête fe détache d’elle-même, ou par un petit effort
qu’ils font en s’accrochant à quelque branche : il eft
rare que les deux côtes tombent precifement en meme
temps, & fouvent il y a un jour ou deux d’intervalle
entre la chute de chacun des côtés de la tete. Les
vieux cerfs font ceux qui mettent bas les premiers, vers
la fin de février, ou au commencement de mars ; les
cerfs de dix cors ne mettent bas que vers le milieu ou
la fin de mars ; ceux de dix cors jeunement dans le
mois d’avril; les jeunes cerfs au commencement, & les
daguets vers le milieu & la fin de mai ; mais il y a fur
tout cela beaucoup de variétés, & l’on voit quelquefois
de vieux cerfs mettre bas plus tard que d autres qui
font plus jeunes. Au refte, la mue de la tête des cerfs
* Viander, brouter, manger.
* Harde) troupe de cerfs.
* M e ttr e b a s, c’eft Jorfque le bois des cerfs tombe.
avance
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avance lorfque l’hiver eft doux, & retarde lorfqu’ii eft
rude & de longue durée.
Dès que les cerfs ont mis bas, ils feféparent les uns
des autres, & il n’y a plus que les jeunes qui demeurent
enfemble ; ils ne fe tiennent pas dans les forts ,
mais ifs gagnent les beaux pays, les buiffons, les taillis
clairs, où ils demeurent tout l’été pour y refaire leur
tête; & dans cette fàifon ils marchent la tête baffe,
crainte de la froiffer contre les branches, car elle eft
fenfible tant qu’elle n’a pas pris fon entier accroifle-
ment. La tête des plus vieux cerfs n’eft encore qu’à
moitié refaite vers le milieu du mois de mai, & n’eft
tout-à-fait alongée & endurcie que vers la fin de
juillet : celle des plus jeunes cerfs tombant plus tard,
repouffe & fe refait auffi plus tard ; mais dès qu’elle
eft entièrement alongée, & qu’elle a pris de la folidité,
les cerfs la frottent contre les arbres pour la dépouiller
de la peau dont elle eft revêtue : & comme ils continuent
à la frotter pendant plufieurs jours de fuite, on
prétend * qu’elle fe teint de la couleur de la fève du
bois auquel ils touchent, qu’elle devient rouffe contre
les hêtres & les bouleaux, brune contre les chênes, &
noirâtre contre les charmes & les trembles. On dit auffi
que les têtes des jeunes cerfs, qui font liftes & peu perlées
, ne fe teignent pas à beaucoup près autant que
celles des vieux cerfs, dont les perlures font fort près
les unes des autres , parce que ce font ces perlures qui
* Voyez le nouveau Traité de la Vénerie. Paris, 1 7$ 0. p, 2 7 ,
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