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Mahomet, & plus anciennement la loi des Juifs, a interdit
l’ulào--e de la chair du lièvre comme de celle du
cochon; mais les Grecs & les Romains en faifoient
autant de cas que nous : Inter quadrupèdes gloria prima
Lepus, dit Martial. En effet fa chair' eft excellente,
fon làng. même eft très-bon à manger , & eft le plus
doux-de tous les fangs ; la graifte n’a aucune part à la
délieatefle de la chair, car le lièvre ne devient jamais
gras tant qu’il eft à la campagne en liberté , & cependant
il meurt fouvent de trop de graifte lorfqu’on le nourrit
à la maifon.
La chafle du lièvre eft l’amufèment, &. fouvent la
feule occupation,des gens oififs de la campagne : comme
elle fe fait fans appareil & fans dépenfe, & qu’elle eft
même utile, elle convient à tout le monde ; on va le
matin & le foir au coin du bois attendre le lièvre à
fa rentrée ou à fà fortie ; on le cherche pendant le
jour dans les endroits où il fe gîte. Lorfqu’il y a de
la fraîcheur dans l’air par' un foleil brillant, & que
le lièvre vient de fe gîter après avoir couru , la vapeur
de fon corps forme une petite fumée que les chafleurs
aperçoivent de fort loin, fur-tout fi leurs yeux font
exercés à-cette'efpèce d’obferVation : j’en ai vû qui,
conduits par cet indice, partaient d’une demi-lieue pour
aller tuer le lièvre au gîte. Il fe Jaifle ordinairement approcher
de fort près, fur-tout fi l’on ne fait pas femblant
de le regarder, & fi au lieu d’aller directement à lui on
tourne obliquement pour l’approcher. Il craint les chiens
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plus que les hommes, & lorfqu’il fent ou qu’il entend
un chien, il part de plus loin : quoiqu’il coure plus vîte
que les chiens , comme il ne fait pas une route droite,
qu’il tourne & retourne autour de l’endroit où il a
été lancé, les lévriers, qui le chaflent à vûe piuftôt
qu’à l’odorat, lui coupent le chemin, le faififtent & le
tuent. Il fe tient volontiers en été dans les champs,
en automne dans les vignes, & en hiver dans les
buiflbns ou dans les bois , & l’on peut en tout temps,
fans le tirer, le forcer à la courfe avec des chiens cou-
rans ; on peut aufli le faire prendre par des oifeaux de
proie ; les ducs, les bufes, les aigles, les renards, les
loups, les hommes lui font également la guerre : il a
tant d’ennemis qu’il ne leur échappe que par hafard,
& il eft bien rare qu’ils le laiflent jouir du petit nombre
de jours que la Nature lui a comptés.
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