bouger, paffer près de lui la troupe entière de fes
ennemis ameutés.
II diffère du cerf & du daim par le naturel, par le
tempérament, par les moeurs, & aufïi par prefquc
toutes les habitudes de nature : au lieu de fe mettre
en hardes comme eux, & de marcher par grandes
troupes, il demeure en famille ; le père, la mère &
les petits vont enfemble, & on ne les voit jamais
s’affocier avec des étrangers; ils font aufft conftans
dans leurs amours que le cerf l’efl peu ; comme la
chevrette produit ordinairement deux faons, lun mâle
& l’autre femelle, ces jeunes animaux, eleves, nourris
enfemble, prennent une fi forte affeétion 1 un pour
l’autre, qu’ils ne fe quittent jamais, à moins que l’un
des deux n’ait éprouvé l’injuftice du fort, qui nè
devrait jamais féparer ce qui s’aime ; & c efl attachement
encore pluftôt qu’amour, car quoiqu ils fbient
toujours enfemble , ils ne reffentent les ardeurs du rut
qu’une feule fois par an, & ce temps ne dure que
quinze jours; c ’efl à la fin d’oétobre qu il commence,
& il finit avant le 15 de novembre. Ils ne font
point alors chargés, comme le cerf, d’une venaifon
furabondante ; ils n’ont point d’odeur forte, point de
fureur, rien en un mot qui les altère & qui change
leur état ; feulement ils ne fouffrent pas que leurs faons
relient avec eux pendant ce temps ; le père les chaffe,
comme pour les obliger à céder leur place a d autres
qui vont venir, & à former eux-mêmes une nouvelle
famille :
famille : cependant, après que le rut eft fini, les faons
reviennent auprès de leur mère, & ils y demeurent
encore quelque temps , après quoi ils la quittent pour
toujours, & vont tous deux s’établir à quelque diftance
des lieux où ils ont pris naiffancè.
La chevrette porte cinq mois & demi, elle met
bas vers la fin d’avril, ou au commencement de mai.
Les biches, comme nous l ’avons dit, portent plus de
huit mois, & cette différence feule fuffiroit pour prouver
que ces animaux font d’une efpèce affez éloignée
pour ne pouvoir jamais fe rapprocher , ni fe mêler,
ni produire enfemble une race intermédiaire : par ce
rapport, auffi-bien que par la figure & par la taille,
ils fe rapprochent de l ’efpèce de la chèvre autant
qu’ils s’éloignent de l ’efjaèce du cerf ; car la chèvre
porte à peu près le même temps, & le chevreuil peut
être regardé comme une chèvre fàuvage , qui ne
vivant que de bois, porte du bois au lieu de cornes.
La chevrette fe fépare du chevreuil lorfqu’elle veut
mettre bas; elle fe recèle dans le plus fort du bois
pour éviter le loup, qui eft fon plus dangereux' ennemi.
Au bout de dix ou douze jours les jeunes faons ont
déjà pris affez de force pour la fuivre : lorfqu’elle efl
menacée de quelque danger, elle les cache dans quelque
endroit fourré , elle fait face , fe laiffe chaffer pour
eux ; mais tous fes foins n’empêchent pas ■ que les
hommes, les chiens, les loups, ne les lui enlèvent fou-
vent : c’eft-là leur temps le plus critique, & celui de
Tome V I. Ce