A R G U M E N T .
C e cantique est appelé par les Hébreux Sir -H as i . r i m, c’est-à-dire ^
Cantique des Ca n t iq u e s, comme le plus excellent de tous. En effet y
les Juifs le considéroient si fort au-dessus de la portée commune des hommes,
qu’ils prétendoient que sa lecture ne pouvoit convenir, ou qu’à ceux qui étoient
parvenus à un âge avancé, ou qu’à ceux que Dieu avoit prévenus d’une sagesse
prématurée ; c’est pour cette raison qu’ils ne la permettoient ordinairement
qu’à ceux qui avoient atteint au moins l’âge de trente ans. Les Pères de l’Eglise
ont observé aussi très-long-temps de ne pas mettre ce cantique indifféremment
entre les mains de tous les fidèles ; ils attendoient qu’ils eussent acquis
par l’âge, par l’habitude à la vertu, et par l’assiduité à la prière , l’esprit d’onction
et de piété nécessaire pour pouvoir en pénétrer l’esprit sans courir le
risque de se blesser à l’écorce. Plusieurs raisons également solides les obli-
geoient à prendre ces précautions ; les expressions vives sous lesquelles la
lettre de ce livre peint l’amitié et l’union conjugale, ne convenoit pas indifféremment
à la jeunesse ; le sens spirituel renfermé sous cette écorce étoit hors
de la portée de ceux qui avoient l’ame toute chamelle et le coeur absolument
corrompu ; la liaison continuelle et nécessaire, que les nouveaux chrétiens
avoient avec les payens et les idolâtres dans ces premiers temps, ne leur
permettoit pas d’exposer indifféremment ce cantique en toutes sortes de
mains. Ces différentes considérations les obligèrent dans la suite, pour prévenir
l’abus que plusieurs des fidèles pouvoient faire de la lecture de ce cantique ,
de composer des commentaires propres à leur en donner la véritable intelligence
, et à leur découvrir le sens spirituel ; et c’est dans ces commentaires
qu’il conviennent tous, que sous la peinture de l’union étroite de Salomon et
de la Sulamite, ou Salomite son épouse, fille de Pharaon, le Saint-Esprit
avoit donné une idée sensible de la parfaite union de Jésus-Christ avec son
Eglise, et de l’amour sincère qu’il a eu, qu’il a, et qu’il aura dans toute l’éternité
pour elle ; idée que ces saints avoient puisée dans l’apôtre saint Paul, lequel 7
parlant du mariage et de lunion sainte de l’époux avec l’épouse, avoit dit
avant eux que c’étoit un grand sacrement, puisqu’il étoit la figure de l’union
spirituelle de Jésus-Christ avec son Eglise.
C’est donc dans cet esprit qu’on se doit préparer à la lecture de ce livre ;
ceux qui voudront pénétrer plus avant dans le sens spirituel de ce cantique,
peuvent lire les Commentaires d’Origène ; de saint Grégoire de Nysse. de