ultérieures le porteroient dans des doutes que ni lu i, ni un nombre considérable
de ses successeurs ne seroient dans le cas de pouvoir résoudre.
Nous avons donné à cette Colombe le nom de Muscadivore, parceque dans
certains temps de l’année, sur-tout aux époques où les muscades sont en
maturité, elle en fait sa principale nourriture: ce Pigeon donne la préférence
au macis dont les noix des grandes muscades se trouvent entourées} pour
les petites noix, il ne se contente pas d’en enlever la pulpe, mais les avale
avec l’enveloppe } le macis servant uniquement de nourriture , se trouve
trituré dans les viscères digestifs sans que la noix éprouve la moindre altération
en passant dans ces organes: le Muscadivore, en parcourant les îles voisines,
sème ces noix en les rendant avec ses excréments.
Voies sublimes et admirables de la nature! jusque même dans les actions les
plus insignifiantes en apparence qu’effectuent tes créatures, tu te proposes un
but d'utilité que les hommes, ingrats pour tes bontés prévoyantes, sont
loin d’imiter pour leurs semblables : tandis qu’ils abusent des riches dons
de la nature, celle-ci pourvoit à maintenir la balance égale, en plaçant,
pour réparer leurs dilapidations, une fugitive Colombe q u i, parcourant
un espace considérable de mers, vient porter, comme par un charme,
l’abondance dans des lieux où l'homme se seroit gardé de faire produire la
terre.
Il paroît que les Muscadivores émigrent à certaines époques de l’annéej
ce temps est sans doute celui où les jeunes Colombes se trouvent en état
de suivre la troupe} apparemment ces émigrations se font quand le muscadier
ne peut plus leur fournir la nourriture qui leur convient.
On voit arriver ces oiseaux en bandes innombrables, et peupler les forêts
de l’île de Java} mais vers le temps des pontes ils l’abandonnent. — Une
note que mon ami M. Laischenault a eu la complaisance de me communiquer,
porte que les Colombes muscadivores se nourrissent, à Java, du fruit du ficus
religiosus, appelé, en langue javane, polion vrique; c’est une petite figue de
la grandeur d’une cerise que produit lefiguier bagncin.
Il est étonnant que Sonnerat, qui a vu cet oiseau à la Nouvelle-Guinée, en
parle dans des termes si peu propres à faire reconnoitre l’espèce ; ce voyageur
dit que le Muscadivore est du double plus fort de taille que notre Ramier
d’E urope. Il me paroît que Sonnerat ne s’est pas trop bien rappelé que la
Colombe ramier a déjà dix-sept pouces et demi de longueur totale.
Le capitaine Forster, dans les relations de son voyage autour du monde,
dit, à la page 33a de l’édition anglaise, qu’à l'île de Tanna se trouve une espèce
de Pigeon qui se nourrit de muscades: il y a toute apparence que cette espèce
désignée par le capitaine Forster est la même que celle dont nous donnons
l’histoire.
Les divers individus de l’espèce de Muscadivore diffèrent assez sensiblement
entre eux pour la taille} il en est de ceux-ci comme des autres espèces de
Pigeons, et c’est aussi le cas pour les diverses espèces de Perdrix} ces oiseaux
varient presque toujours de taille à raison de l’abondance ou de la disette en
grains ou en fruits qui leur servent de nourriture} un terrain aride produit
en général des oiseaux moins forts et plus petits, tandis qu’exposé sous le
même degré, un canton fertile et abondant en toutes sortes de nourritures
contribue à donner aux individus d’une même espèce une taille plus élancée,
et décore leur plumage de teintes plus vives et plus fraîches.
Cette espèce a le bec supérieur foiblement arqué vers la pointe} il est plus
fort, d’une substance plus cornée que ne l’est d’ordinaire le bec des Pigeons.
Les tarses sont robustes, très courts, et en partie emplumés: les doigts nerveux
ont des rebords charnus qui forment une plante de pied épatée, comme dans
les Pigeons Colombars ; les pieds de cette Colombe ressemblent absolument à
ceux des Calaos} la carnosité de la partie supérieure du bec est recouverte par
de petites plumes.
Le mâle adulte a toute la tête, le cou, ainsi que les parties inférieures du
plumage, d’un beau gris-bleuâtre} le manteau, le dos, les grandes et les petites
couvertures des ailes sont d’un beau vert foncé, à reflets métalliques} les
grandes pennes alaires, ainsi que les pennes secondaires, sont d’un bleu verdoyant}
la queue, composée de douze plumes, est d’un beau bleu de roi,
changeant en vert doré, en dessous ces plumes sont noirâtres} les couvertures
inférieures de la queue sont d’un roux ferrugineux} les pieds sont rouges, le
bec et les ongles noirs, et l’iris est d’un rouge orangé.
La femelle, toujours moins forte de taille que son mâle, a en général tout
le plumage d’une couleur plus terne que ce dernier} le cou et le ventre
sont d’une teinte vineuse : sur la nuque est une grande espace roussâtre
foncé.
Les jeunes Muscadivores sont d’un roux plus ou moins foncé par-tout où le
mâle adulte a du gris} dans cet état, les ailes et le dos sont d’un brun bistre à
reflets de vert} les grandes pennes des ailes et celles de la queue sont d’un
noir grisonnant.
Le Muscadivore habite les Moluques et la Nouvelle-Guinée} on m’a assuré
qu’il se trouvait aussi dans quelques îles de l’Océan Pacifique. Un mâle de cette