pas s’y tromper, et pour décider sans balancer sur l’identité de leurs caractères,
il seroit nécessaire qu’on connût les moeurs de ces Pigeons; mais pour
peu qu’on se soit fait un usage d’étudier la nature des oiseaux, et qu’on ait
acquis l’habitude de se représenter l’ensemble des divers genres, et le plus ou
le moins d’affinité qu’on y rencontre, on ne sauroit guère se tromper dans la
classification des Colombi-Gallines, même en ne prenant pour guide que leur
conformité extérieure.
L’oiseau que nous décrivons dans cet article diffère, par beaucoup de caractères,
des autres individus de la même section, il paroit même isolé dans cette
division ;sa huppe d’une forme toute particulière et sa longue queue l’éloignent
entièrement des autres Colombi-Gallines, qui ont toutes la queue très courte
comme les perdrix. Le Goura ressemble tellement aux Hoccos, que, pour le
transformer, il ne faudroit que lui substituer le bec d’un de ces oiseaux; sa
queue alongée et arrondie, ses ailes courtes, son corps ramassé, ainsi que sa
huppe, lui donnent entièrement la figure d’un Hocco, dont il a aussi les
mouvements et les allures : ce n’est donc que par ces mêmes rapports que
Brisson a cru devoir placer le Goura parmi les Faisans, genre que cet auteur
confondoit mal à propos avec celui des Hoccos.
On se tromperoit étrangement en présumant, d’après des rapports aussi
intimes avec les Gallinacés, que le Goura tient plus par ses caractères et ses
moeurs aux oiseaux de cet ordre qu’à ceux de l’ordre des Pigeons; il a le bec
formé comme celui des Pigeons, dont il a le roucoulement; comme eux il ne
pond que deux oeufs, et élève ses petits, en leur dégorgeant la nourriture
d’avance macérée dans le jabot; il construit même son nid sur la sommité des
arbres; habitude par laquelle il s’éloigne non seulement des vrais Gallinacés,
mais aussi de la famille des Colombi-Gallines, dont toutes les autres espèces
connues pratiquent leur nid à terre.
Le Goura, d’après l’énumération de la plupart de ses caractères connus,
est de tous les Colombi-Gallines celui qui par sa forme extérieure ressemble
le plus aux Gallinacés; tandis que, par ses moeurs, il a bien plus de rapport
avec les Pigeons que toutes les autres espèces qui composent cette section.
Cet oiseau, quoiqu’ayant été souvent apporté vivant en Hollande par les
vaisseaux de la Compagnie des Indes, s’accoutume difficilement à la température
humide de notre climat; il exige beaucoup de soins, et ne sauroit
endurer le froid. L’Impératrice en a deux vivants, à la Malmaison, qui
paroissent assez bien acclimatés. Je doute qu’on puisse jamais réussir à le
rendre utile à nos basse-cours, où on est cependant parvenu à faire propager
les diverses espèces de Hoccos, de Pénélopes et de Faisans, ainsi que plusieurs
Colombes exotiques.
Sonnerat, qui a vu ces oiseaux à la Nouvelle-Guinée, ne nous donne aucun
détail particulier sur leur manière de vivre; il se contente de dire qu’ils
n habitent point 1 ile de Banda, mais qu’ils ne se trouvent et ne se multiplient
qu à la Nouvelle-Guinée. Cette assertion est fausse, puisque ces oiseaux se
trouvent non seulement à la Nouvelle-Guinée, mais aussi dans un grand
nombre d’iles de l’Archipel des Moluques. Labillardière en a trouvé dans
celle de Waygiou; le capitaine Forrest à Tomogui, où les naturels du pays les
nomment Mututu; ils habitent aussi les îles des Papous, où on leur donne le
nom de Manipi. Banda est la seule île où les Hollandais vont prendre ces
oiseaux pour en peupler les ménageries de Java, où ils sont très communs.
Les colons de cette île nomment le Goura Kroonvogel, ce qui signifie oiseau
couronné.
Dans l’état de domesticité, on peut nourrir cet oiseau de maïs, dont il est
très friand; il mange aussi de petites fèves de marais et de petits pois secs; il
fait entendre fréquemment un bruit sourd, produit par la colonne d’air qui
s’échappe de sa poitrine, espèce de beuglement ventriloque qui paroit lui
être commun avec le dindon, lequel fait un bruit à peu près semblable. Je
n’ai jamais été à même d’examiner la trachée artère du Goura, laquelle doit
influer beaucoup sur la manière dont ce son est produit, et j’ai tout lieu de
croire que cet organe a beaucoup d’affinité avec celui des Hoccos et des
Pénélopes, dont nous ferons connoitre les différences qui, dans ces animaux,
caractérisent les diverses formes de l’organe de la voix.
La longueur totale du Colombi - Hocco, prise depuis le bout du bec à
l’extrémité de la queue, est de deux pieds trois pouces; le bec a deux pouces,
le tarse trois pouces neufs lignes; les ailes ne dépassent pas l’origine de la
queue qui est arrondie. La huppe, ou l’espèce de crête qui orne la tête de cet
animal, est composée d’une infinité de baguettes très minces, munies de
barbes soyeuses et désunies. Cette crête, que l’oiseau porte constamment
relevée, est un ornement qui donne beaucoup de grâce à tous ses mouvements.
Le bleu couleur de plomb domine sur la majeure partie du plumage; la
tête, la huppe, le cou, ainsi que toutes les parties inférieures, sont aussi de
cette teinte; les petites et les moyennes couvertures des ailes, ainsi que les
plumes du haut du dos sont toutes terminées d’un beau brun-marron ; les
grandes couvertures sont de la même couleur à l’origine et à l’extrémité,