Buffon à statuer une loi que la nature désavoue presque à chaque
individu? Je vais en faire connoître la cause; après quoi il me
sera facile de prouver que la supposition de M. de Buffon est
dénuée de toute vraisemblance.
Le manque d’observations faites sur la nature même est la
principale source d’une erreur qui n’a d’autre cause qu’une trop
grande confiance dans son génie créateur, sécurité fatale pour
la science, et qui a souvent perpétuéles écarts d’un grand homme
dont on se plaît, à juste titre, à respecter le mérite et à honorer
les talents.
Si M. de Buffon se fût trouvé dans la possibilité d observer la
marche des nuances que la nature semble avoir établies dans la
nombreuse tribu du Pigeon, et bien plus encore s il eut découvert
dans ces oiseaux l’affinité de moeurs avec des genres qui ne
leur ressemblent d’ailleurs en aucune façon par les caractères
extérieurs, il auroit non seulement découvert dans la famille des
Pigeons des différences assez marquées pour statuer des espèces,
mais il auroit été contraint d’y reconnoître des dissemblances si
bien caractérisées qu’elles n’auroient guère pu échapper à un
aussi grand génie.
C’est plutôt aux ornithologistes d’aujourd’hui qu’on se trouve
en droit de faire des reproches, eux qui vivent dans un temps
où l’étude de la nature a repris un nouvel être, où les richesses
éparses de divers pays se trouvent rassemblées sous nos yeux.
C’est à leur peu d’amour pour la vérité, à leur peu de zèle pour
l’histoire naturelle, j’ose même dire à leur cupidité, que les erreurs
se perpétuent; il leur est bien plus commode de marcher sur une
route, à leurs yeux déjà tracée, que de sortir de l’enceinte de
leurs bibliothèques, pour étudier le seul livre qui devroit les
guider..
L’histoire naturelle est-elle donc si peu intéressante, et doit-
elle devenir un objet de vile spéculation? Je n’hésite pas à dire que
malheureusement elle est devenue de nos temps un objet de trafic;
ce n’est plus l’amour des sciences qui guide l’écrivain, c’est l’intérêt
sordide qui conduit sa plume vendue à un libraire ou à un
dessinateur, qui, dépourvu des plus légères connoissances en
histoire naturelle et sans guide, fait au hasard quelques dessins,
souvent d’après de méchants lambeaux dont il ignore le degré de
détérioration, commande le texte au moins offrant, et fait ainsi
un ouvrage qui déshonore la science et son auteur.
Pour satisfaire au second point, et prouver l’insuffisance et le
peu de vérité renfermé dans la supposition que la plus grande
partie des Pigeons exotiques seroient originaires de notre Bizet
ou Pigeon sauvage, il sera nécessaire de m’étendre sur toutes les
vues de Buffon à ce sujet, et réfuter de point en point cette partie
qui traite des oiseaux étrangers qui ont rapport au Pigeon.
Buff on nous apprend qu’il y a peu d’oiseaux aussi propres à
fournir de longues courses que l’espèce du Pigeon; il ajoute que
la plupart des races sauvages se trouvent dans presque tous les
climats.
Cette supposition est très juste : il y a effectivement peu
d’espèces qui soient aussi généralement répandues; ce que nous
confirment les divers voyages autour du monde. Les Pigeons
sauvages se trouvent dans presque toutes les contrées, même les
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