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au large, lorsqu’un Mamelouck qui Coin-
mandait à Sahet souf le Kiaschefde Bas.
jo u ra , nous fit sortir du bateau , ainsi
que nos effets qu’il fit transporter sur «
rivage. J’avois beau m’opposer de toutes
mes forces à cet enlèvement, le farouche
Mamelouck, qui étoit entouré de plusieurs
soldats, n’entendoit à rien. Le bateau, disoit
il, étoit pour le service du KiascheJ)
et personne ne devoit oser le détourner
de sa destination. Je lui montrai les lettres
des Beys ; il me répondit qu’il se moquoit
de tous ces Beys qui commandoient au Caire,
•tandis qu’il étoit le maître à Sahet. Ne pou-
vant résister aux violences de cet homme,
qui , de même que tous ceux auxquels le
pouvoir ne convient pas, se croyoit* un grand
personnage, je fis venir des chameaux pour
reconduire mon bagage à Farschout. Pendant
qu’on s’occupoit à le charger, le Mamelouck
appela mon interprète, et il le chargea
de me proposer de lui donner un sequûn, au
moyen duquel il me laisserait le bateau. Je
lui fis répondre que je ne lui donnerais pas
seulement un médin. Il se borna à me demander
une pataque , puis la moitié que
je lui refusai également ; enfin il me pria
feu grâce de lui faire le cadeau d’un quart
de pataque, environ vingt - sept sols. Afin
d’éviter de plus longs retards, je les payai,”
et le vil esclave les reçut comme le prix
d’une avanie qu’il m’avoit faite , et qu’il
avoit calculée d’après l’importance de son
gouvernement.
Une grande partie de la journée s’étoit
écoulée ; il ne noqs fut plus possible de partir,
et nous passâmes la nuit dans notre bateau
, vis-à-vis Sahet. Le Kiasche/'a.voit été
informé de l’avanie que son subordonné m’avoit
faite. Il envoya un autre officier le réprimander,
et le forcer à me rendre l’argent
qu’il m’avoit extorqué, et à me faire des excuses.
Il vint en effet le soir dans mon kanja :
son air étoit aussi humble qu’il avoit été audacieux.
Il m’assuroit que la scène du matin
étoit l’effet de l’ivresse. Je le congédiai bien
content, car je lui laissai les vingt-sept sols.
Je n’étois pas quitte des difficultés. Environné
d’hommes avides, trompeurs et coquins,
le voyageur les voit naître sous ses
pas dans ces cantons éloignés. Le reis3 qui
jusques-là avoit été paisible spectateur, voulut
aussi avoir son tour. Il éleva des prétentions;
il me fit mille chicanes, et ce ne fut
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