préjugés à opposer aux vérités que vous aurez émises, ne vous pardonneront
jamais d'avoir détruit les chimères d'une imagination féconde;
sans cesse en butte à la haine injuste qu'ils vous auront vouée, vous
serez abreuvés d'amertumes; et si, dédaignant tous les traits de leur
malignité, vous parvenez un jour cependant à recueillir quelques fruits
tardifs de vos généreux efforts, vous trouverez, hélas! au milieu des
dégoûts qui vous auront assaillis, que vous les avez payés trop chèrement
encore. Quittons, quittons un sujet aussi décourageant, et peignons
la Nature dont les riants tableaux, ne laissant à l'aine que des
souvenirs purs et consolants , font oublier par fois l'ingratitude des
hommes!
Le Calao unicorne a le corps delà force de celui de notre grand corbeau,
mais il est plus alongé, ayant à peu près trente pouces de longueur,
du sommet de la tête à l'extrémité de la queue, qui seule a un
pied de long. Il a tout le dessous du corps, depuis le haut de la poitrine
jusque et y compris les couvertures du dessous de la queue, entièrement
blanc. Les premières pennes de l'aile et les trois extérieures
de chaque côté de la queue sont blanches ; tout le reste du plumage
est absolument noir avec quelques reflets verdâtres ou pourpres, suivant
les coups de lumière qu'il reçoit. Les plumes de la tête sont alongées
et forment une sorte de huppe , lorsque l'oiseau les hérisse eu
s'animant; mais, couchées, elles en conservent peu l'jqjparence, de sorte
qu'on ne peut lui donner le caractère d'être huppé. Les plumes latérales
de la queue étant plus courtes que les intermédiaires, elle est arrondie
à son extrémité, et les ailes, ployées, atteignent le tiers de sa longueur
à peu près : les yeux sont d'un brun rougeûtre et entourés de cils noirs;
le casque est en grande partie noir, depuis sa pointe jusqu'à trois pouces
de son arrière ; il est plat sur les côtés et sur son arête, et sillonné
dans sa longueur. Le vrai bec est noir à sa base et dans l'intérieur ; une
peau blanche ridée embrasse les mandibules inférieures, où elle forme
une espèce de mentonnière. Une peau nue et de couleur noire entoure
également les yeux. Les pieds et les tarses sont couverts de larges écailles
, qui, ainsi que les ongles, sont d'un noir de corne ; enfin le casque
est absolument plat par-derrière, où il s'élargit plus que par-tout
ailleurs, et cette partie est couverte d'une peau vive de couleur noire.
Ce Calao est, de toutes les espèces connues, celle à laquelle la nature
a donné, proportionnellement à sa taille, le plus grand bec, puisqu
il a neuf pouces de longueur et presque cinq d'épaisseur, en y comprenant
la hauteur du casque qui le surmonte, et qui seul a deux pouces
et demi d'élévation. Les mandibules sont très-arquées et fortement
dentele'es. Le casque, se courbant de même, se prolonge en une espèce
de corne aplatie sur les côtés, et qui s'avance en pointe jusque près du
bout du bec. C'est ce caractère qui me fait préférer le nom de Calao
unicorne à celui de Calao du Malabar, qu'on lui rendra d'ailleurs, si on
l'aime mieux ( Voyez notre planche n.° 1 o , où j'ai donné la tête et le
bec de cette espèce, de grandeur naturelle.).
Ce Calao se trouve dans une grande partie de l'Inde, et il est fort
multiplié à l'île de Ceylan surtout, où il arrive souvent aux habitants
d'élever ces oiseaux dans un état de domesticité, parce qu'ils chassent
les rats et les souris. Ils leur tiennent lieu de chats, dont ils font très
bien l'office, en purgeant les maisons de tous ces petits animaux incommodes
et nuisibles.
Dans cette espèce, la femelle ne difloerc point du mâle par ses couleurs
: elle est seulement un peu plus petite; son casque est moins élevé,-
et sa pointe ne s'avance pas autant par-devant. Ces oiseaux fréquentent
les bois de haute-futaie ; ils se perchent sur les grands arbres, et de préférence
sur les branches mortes ; ils nichent dans le creux des troncs
vermoulus, et leur ponte est de quatre oeufs, dont la couleur est d'un
blanc sale. Les petits naissent absolument nus, et, dans les premiers
jours, le casque ne forme encore qu'une petite crête, qui s'élève à peine
de trois ou quatre lignes au dessus de la base de la mandibule supérieure;
mais, à mesure que le corps se couvre d'un duvet gris-brun-'
roussàtre, il s'exhausse et prend chaque jour une élévation et une étendue
plus considérables ; enfin, au bout de quinze à vingt jours, il offre
une faible esquisse de ce qu'il doit être un jour; cependant 11 serait
difficile encore de reconnaître les caractères de l'espèce, et ce n'est qu'au
bout de trois mois, et lorsque les jeunes ont pris l'essor, que le bec et le
casque commencent enfin ii prendre une forme qui annonce l'espèce à
laquelle appartient cette partie. C'est donc alors seulement que le casque
se sillonne dans sa longueur, et que la grande tache noire qu'il porto