
4 H I S T O I R E N A T U R E L L E
prendre plus ou moins d'élévation, et c'est probablement par elle seule
que s'inliltre la substance nécessaire propre à son accroissement, et qui,
comme nous l'avons fait observer, ne se développe qu'à mesure que
l'oiseau prend de l'âge, et ce n'est même qu'au bout de quelques années
qu'il acquiert le développement qui lui est propre.
Nous observerons encore que le tranchant des mandibules des Calaos
est fort sujet à se briser, ce qui produit ordinairement des dentelures
très-irrégulières , quoiqu'en général tous ces oiseaux aient naturellement
le bec dentelé plus ou moins fortement ; mais ces cassures
accidentelles se raccommodent tous les ans, la corne du bec repoussant
d'elle-même à chaque mue de l'oiseau, ce qui se remarque trèsdistinotement
aux ondes ou différentes touches qu'on y voit, et qui
désignent effectivement chacune de ses nouvelles crues. Buffon, qui
n'a pas fait celte observation, reproche aux naturalistes d'avoir pris ces
fêlures pour des dentelures régulières : il ignorait sans doute aussi la
pousse continuelle de ces parties cassées, qui rendent toujours à ces
liées leur première forme et leur dentelure naturelle ; car il dit, en parlant
du bec de ces oiseaux, « que, par la substance et la forme de cette
« partie, il semble qu'elle n'ait pas été faite pour servir constamment,
« mais plutôt pour se détruire d'abord et sans retour par l'usage même au-
- quel elle paraissait destinée. » Il est certain cependant que,, chez tous
les oiseaux en général, la partie cornée du bec repousse toujours lorsqu'elle
se brise par quelque accident: on le remarque même très-ordinairement
aux oiseaux qui se servent avec le plus d'effort de leur bec ;
tels sont les oiseaux de proie, et les perroquets surtout, qui, pour se
nourrir, cassent souvent les noyaux les plus durs.
Ayant pesé le bec et la tête entière et disséquée d'un Calao-Rhinocéros,
de la plus forte taille, je ne lui ai trouvé que le poids de quatre
onces; ce qui, comparé au poids du bec et de la tète du corbeau, également
disséquée , qui pèse plus d'une once, et qui est vingt fois moindre
en volume, prouve, de la manière la plus convaincante, que la
charpente osseuse du bec des Odaos est réellement d'une substance
inoins compacte, et par conséquent plus légère que celle de tous les
autres oiseaux ; ce qui était absolument nécessaire, puisque , sans cela,
l'oiseau aurait été accablé par le poids d'un bec énorme et souvent disproportionné
à sa taille.
D E S C A L A O S D E S I N D E S. 5
Si nous considérons aussi avec attention cette gradation progressive
qui se trouve entre les différents bccs des Calaos pris collectivement,
en commençant par ceux dont le bec est simple, sans aucune excroissance,
et finissant par ceux dont le bec est monstrueusement surmonté
et même embarrassé, on 11e peut qu'admirer la sagesse de la nature
qui semble n'avoir adopté toutes ces formes bizarres que peu à peu et
par gradation, et même par un grand nombre d'essais multipliés; et ce
qu il y a encore de bien remarquable ici, c'est que ces becs énormes
passent eux-mêmes, et par degrés, presque par toutes les formes qu'on
remarque sur tous les autres becs, avant de parvenir à ce qu'ils doivent
être un jour : ce que nous avons cru nécessaire de prouver d'une manière
convaincante, en donnant ces passages dans l'espèce dont le bec
est le plus extraordinairement démesuré, proportionnellement à la taille
de l'oiseau. Voyez nos N.™ 9, 10, 1 1 et 1 2 , où nous avons figuré aussi
le pied de ccs oiseaux, vu par-dessus et par-dessous, et où l'on remarque
que le doigt extérieur est réuni à celui du milieu jusqu'à la troisième
articulation, et l'intérieur jusqu'à la première seulement, et que
toute la plante des pieds est couverte d'une peau raboteuse et comme
chagrinée.
Tome /.