Il I S T O I !', E N A T U R E L L E
loin d'avoir suivi, dans l'organisation des espèces qu'elle a destinées à
remplir les mêmes fonctions, l'ordre de nos systèmes erronés ; et Ion
se tromperait fort si l'on allait croire que les espèces dussent, pour être
d'un même genre, tellement se ressembler par les formes extérieures,
qu'elles parussent avoir été jetées dans le même moule, au moins quant
aux parties que les méthodistes ont jugé à propos d'indiquer pour l'admission
de telle ou telle espèce dans tel ou tel genre : s'il en était ainsi,
j'ose assurer qu'on aurait peine à trouver deux oiseaux qui fussent du
même genre. N'avons-nous pas vu tous les autres Cotingas différer entre
eux chacun par des caractères particuliers, propres à son espèce ?
Pourquoi celui-ci n'aurait-il pas les siens, savoir, des ailes plus alongées
et un bec un peu plus renflé sur son arêle que les autres? La différence
serait-elle donc plus grande, plus caractéristique ici, qu'elle no
le serai! pour le grand Cotinga huppé, pour le Cotinga-Guirapanga
caroncule, pour le Pacapaca à grandes couvertures alaires Jormees en gouttières,
pour VQucllc d-couites^giles et à plumes tronijuces, etc. etc. ? Quoi
qu'il en pût être , et quelle que fût l'opinion des naturalistes à l'égard
de l'espèce dont nous parlons, elle n'en serait pas moins un Cotinga.
Les systèmes ne font rien ici ; nous reconnaissons dans cet oiseau tout
ce qui appartient au genre Cotinga, et nous ne sommes autorisés par
rien à le placer ailleurs.
Le Piauhau fréquente les grands bois, ne se nourrit que de fruits,
et construit sur les grands arbres un nid très-évasé, où la femelle pond
quatre oeufs. Son cri exprime bien distinctement les mots pi-hau-hau,
mais non pas d'un ton aigre comme le prétend Billion ; car il ne doit
certainement pas être plus possible à un oiseau d'articuler aigrement
les syllabes gutturales hau-hau, qu'il ne le serait à nous, dont la langue
est plus souple. Nous avons représenté de grandeur naturelle dans nos
planches le mâle et la femelle de cette espèce : ils sont assez différents
l'un de l'autre-pour qu'on puisse les distinguer au premier coup-d'oeil.
Le mâle a une belle plaque d'un rouge pourpre, qui occupe tout le
devant du cou, au bas duquel elle s'élargit encore. Les plumes de celte
partie sont longues , étroites et rudes au toucher, ce qui donne beaucoup
d'éclat à leur couleur : la gorge proprement dite et tout le reste
du plumage sont d'un noir mat sur le corps, et luisant sur les ailes et la
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queue. Les yeux sont d'un brun rougeâtre. Le bec est couleur de plomb.
Les pieds et les ongles sont noirs. Les ailes, très-amples, descendent,
lorsqu'elles sont ployées, jusqu'aux deux tiers de la queue , dont la
penne la plus latérale de chaque côté est un peu plus courte que les
autres. Buffon , d'après Brisson , fait arriver les ailes jusqu'au bout de
la queue, erreur occasionnée sans doute par 1111 défaut de préparation
dans I individu observé par ce dernier.
La femelle, que nous avons représentée n.° 48, est un peu plus
petite que le mâle, et n'en dillere d'ailleurs qu'en ce qu'il lui manque
la plaque pourpre du col, cette partie étant noire chez elle comme le
reste du plumage, en tout semblable à celui du mâle. Dans son premier
âge, le mâle ressemble absol ument a la femelle, de sorte que ce
n est cju a sa première mue qu'on commence à apercevoir quelques
plumes d'un rouge pâle sur certaines parties du cou. On voit au Cabinet
national de Paris un individu pris dans cet état : ce n'est enfin qu'à
sa troisième année que la couleur pourpre de la gorge acquiert tout son
éclat.
L'espèce du Piauhau est très-commune clans toute la Guiane, d'où
l'on en envoie même journellement en Europe : aussi nos cabinets
en sont-ils tous bien pourvus. 11 n'est pas étonnant que les Piauhaux
se trouvent souvent avec les Toucans , comme on l'a dit; puisque les
uns et les autres se nourrissent de fruits, il est très-naturel qu'ils fréquentent
ensemble les cantons et les arbres qui les produisent. Ne
voyons-nous pas chez nous des Merles, des Fauvettes, des Etourneaux
et des Loriots sur un même cerisier? Pourquoi ne verrait-on pas dans
tous les climats des oiseaux différents réunis par les mêmes besoins ?