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à mesure que nous parlerons des espèces qui y ont donné lieu, car nous
avons été assez heureux pour former la collection complète de ces magnifiques
oiseaux considérés dans tous les états par où ils passent successivement,
ce qui nous met à même d'en donner l'histoire entière,
c'est-à-dire d'en faire connaître toutes les espèces, toutes les variétés de
chaque espèce, ainsi que toutes leurs femelles , dont la parure est par
sa simplicité très-différente de celle des mâles.
Quelques naturalistes se sont encore trompés en plaçant des Cotingas
en Afrique, puisque, de toutes les espèces connues jusqu'à cc jour, il
n'en est aucune qui ne nous soit venue d'Amérique , où ces oiseaux
se plaisent particulièrement dans les cantons les plus chauds; car on
ne les trouve guère, vers le Sud, au-delà du Brésil, et, du côté du Nord,
au-delà du Mexique : le nom de Cotingas qu'on leur a conservé paraît
même être un nom caraïbe. On les voit reparaître régulièrement deux
fois par an autour des habitations à Cayenne et à Surinam où ils abondent;
ils y sont attirés par la maturité des fruits qui leur servent de
nourriture, quoiqu'ils soient aussi insectivores, et que, par celle raison,
ils recherchent, comme les grives, avec lesquelles ils ont quelque analogie,
les lieux humides ; ce qui les a fait regarder comme des oiseaux
aquatiques et quelquefois nommer poules d'eau : plus d'un naturaliste
les a même confondus avec beaucoup d'autres oiseaux avec lesquels
ils n'avaient pas plus de rapports. Edwards en fait des manakins, Salerne
des grives, et Linné, avec moins d'invraisemblance, des jaseurs.
Ivlein fait de l'un un écorcheur, d'un autre un élourneau, et Séba,
renchérissant sur tout cela, en travestit un en pie. Quant à nous, nous
nous contenterons d'en indiquer les caractères précis, laissant aux
méthodistes la gloire d'en faire ce qu'il leur conviendra le mieux, s ils
trouvent nécessaire de ranger ces oiseaux parmi d'autres, afin de ne pus
multiplier les genres, comme si Ja nature, si libre et si variée dans ses
productions, avait dû se restreindre au cercle étroit de nos méthodes
factices.
Les Cotingas ont le bec évasé , large à la base , et par conséquent
une bouche ample. La mandibule supérieure est un peu courbée sur
son arête et se termine en un petit crochet, ce qui les a fait prendre
pour des grives. Les plumes du front s'avancent sur les narines taillées
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en long sur le bec : ceci en a fait faire des jaseurs; enfin, les doigts étant
disposés trois par-devant, un par-derrière, et se trouvant conformés
de manière que l'extérieur de devant est réuni à celui du milieu dans
la première articulation ( ce qu'ils partagent avec les manakins ) , on en
a fait des manakins. C'est ainsi que chaque méthodiste , prenant le caractère
qui lui convient le mieux, abstraction faite de tous les autres,
place où il lui plaît l'espèce qu'il veut décrire. De-là encore le peu
d'accord qui se trouve non-seulement entre tous ces ouvrages systématiques
sur les mêmes objets, mais même souvent dans le même ouvrage;
car on voit par fois un oiseau mâle figurer dans un genre, pendant
que sa femelle occupe une place dans un autre, et le jeune dans
un troisième : ce que nous avons prouvé plus d'une fois.
Les Cotingas ont tous douze plumes à la queue : celle-ci est un peu
fourchue dans quelques espèces, et égale dans d autres, la nature étant
à cet égard très-variée pour toutes les espèces de chaque genre qu'elle
a produit. Les ailes sont généralement courtes.
Il ne nous reste plus qu'à décrire toutes les espèces, dont nous allons
aussi donner des figures plus exactes que celles qui en ont été publiées
jusqu'à ce jour. Nous commencerons par la plus grande, qui, étant
nouvelle, n'a point été figurée ni décrite jusqu'à cc moment, quoique
depuis plus de dix ans elle figure dans ma collection.