II
R E L A C H E A U CA L LAO D E L IM A .
Nous continuâmes de prolonger la côte du Pérou, en nous
tenant néanmoins assez au large pour ne pas être contrariés
[lar les calmes ; mais nous fûmes presque sans interrujition enveloppés
d’une brume qui semblait ne se dissiper par intervalles,
que pour nous permettre de jouir pendant quelques
instants de l’aspect imposant de la Cordillère des Andes, de
cette chaîne de montagnes gigantesques, la plus longue que
l’on connaisse, et dout les cimes s’élèvent majestueusement
au-dessus des nuages â des hauteurs considérables.
Avant d’arriver à l’île San-Gallan, les courants, ainsi que nous
f avons fait remarquer, nous avaient portés dans le N. N. O. à
raison de dix â douze milles par jour. Au-delà de cette ile , ils
prirent la direction du Nord et ne conservèrent plus qu’une
vitesse de cinq à six milles dans le même intervalle de temps.
Le 25 février, nous nous rapprochâmes de la c ô te , et nous
vîmes, dans la matinée, les iles Pacbacamac ainsi que le Mor-
ro-Solar, situés à environ dix milles dans le Sud de Lima.
A quatre heures du soir, nous contournâmes la partie septentrionale
de l ile Lorenzo, d’où nous fîmes route pour le mouillage
du Callao; mais le calme qui survint peu après que nous
eûmes doublé cette île nous obligea à passer la nuit sous voiles.
Le lendemain 26, le calme ne cessa qu’à deux heures de
l’après-midi. Une brise s’éleva alors et nous porta enfin à trois
milles au Nord du fort San-Felipe, où nous laissâmes tomber
l’aucre par six brasses d’eau sur un fond de vase de couleur
olive.
Nous étions encore sous voiles lorsque nous reçûmes les offres
de service de M. le contre-amiral Rivero, commandant
de la marine, et de M. le capitaine Prescost, cominandant la
frégate anglaise \Aurora.
Aussitôt que notre arrivée fut connue à Lima, M. Riglos,
l’un des |iremiers habitants de celte ville, nous écrivit jiour
nous faire connaître que sa maison et sa table étaient entièrement
a notre disposition, et qu’il désirait nous donner, ainsi
q u il la va it déjà fait a plusieurs de nos compatriotes, une
preuve de l’affection particulière qu’il avait pour les Français.
Nous étions trop curieux de voir la capitale du Pérou, où flottait
alors le pavillon de 1 indépendance, et de procurer ce
plaisir aux officiers de la corvette, pour ne pas accepter des
offres présentées d’une manière aussi obligeante; ct nous consacrons
ici le souvenir agréable des attentions et du vif intérêt
dout M. Riglos a bien voulu nous honorer.
Le moment de notre séjour à Lima n’était |ioiiit celui des
plaisirs que présente ordinairement cette capitale. Les dames
étaient aux bains de Mira-FIores, et leur cortège était composé
des personnes les plus distinguées du pays. La plus grande inquiétude
régnait d’ailleurs parmi les indépendants, qui n’occupaient
alors qu une partie du littoral du Pérou , pays presque
inculte et en partie ruiné par les jirécédentes guerres. Les Espagnols
avaient tout le liant Pérou; les mines étaient en leur
pouvoir, et leur armée, composée de six à sept mille hommes
sous les ordres du général Canterac, venait de remporter
une victoire complète a Moqueluia près d’A rica , et marchait
sur lim a dont la conquête était jiresc[ue certaine.
Cependant les babitaiits de celte ville prenaient des mesures
pour résister a 1 envahissement dont ils étaient menacés. C’est
ainsi que le 28 février, nous assistâmes à la dernière séance du
congrès suprême, qui, soupçonné par le peuple ct l ’armée, se
■9-
îiiiii-,
1823.