86 V O Y A G E A U T O U R D U M O N D E .
Noveiiibic Ces myriades d'animalcules, (jui produisent à la surface des
1322, eaux ces teintes sanguinolentes si souvent aperçues par les
voyageurs, apjjaraissent daus certaines saisons sur les côtes du
Chili et du Pérou, dans le voisinage du cap de Bonne-Espérance,
de la Nouvelle-Hollande, des îles Moluques, et dans quelques
golfes, tels que ceux d’Arabie et de Californie, dont ils ont probablement
fait changer les dénominations en celles de mer
Rouge ct de mer Vermeille; mais ils ont été pins fréquemment
remarcjués encore dans la partie de, l’Océan atlanticjue qui
baigne les côtes de f Amérique méridionale, entre le tropique
du Capricorne et le 48° degré de latitude Sud, à la hauteur
surtout de fembouoluire du Rio de la Plata et le long des côtes
magellaniques, où il est à croire cju’ils deviennent la proie des
grands cétacés cjui jieuplent ces parages et dont la pèche paraît
inépuisable.
Le 3 novembre dans la matinée, une brise de nord donnant
parfois de fortes rafales, une pluie abondante et continuelle,
uue dépression considérable du mercure dans le baromètre, la
mer diversement agitée par des lames courtes et fatigantes,
l’horizon chargé de nuages noirs et sédentaires dans la partie
du Sud ; tout enfin annonçait fap|iroche soudaine de fu n de ces
coups de veut que les. Brésiliens désignent sous le nom de
Pamperos. Quoique uous fussions à plus de deux cents lieues
dans fE .N .E , de fembouehure du Rio de la Plata où ce vent
est si fréquent et si redouté, nous n’en prîmes pas moins
toutes les précautions nécessaires pour résister à sa violence.
Nous conservâmes peu de voilu re , mais nous continuâmes de
faire route au Sud, afin de mettre â profit, aussi long-temps
que possible, le vent de nord qui nous était favorable et qui
devait bientôt céder à des vents opposés. En effet, â onze heures
du matin, au milieu d’une forte bourrasque, qui nous avait
forcés d’amener les huniers sur le ton, le vent sauta tout-à-coup
au S. S. O. et souffla dès cet instant avec une violence remar- Novembre
quable. Nos voiles qui avaient été amenées n’éprouvèrent point
d’avaries, quoiqu’elles eussent été subitement masquées; et la
corvette ayant conservé une assez grande vitesse pour obéir
â son gouvernail, fut bientôt en position de fuir vent arrière
devant cette tourmente.
A midi foùragan était dans toute sa force. La brume épaisse
qui s’était maintenue à l’horizon pendant la matinée passait
alors avec une extrême rapidité; la mer était affreuse et l ’impulsion
du vent si grande qu’il nous fut impossible de mettre
à la cape. Au milieu du désordre qui régnait dans fatmos-
phère comme à la surface de l ’Océan, nous remarquâmes qu’à
f exception do falbatrosse, qui se balançait avec calme au-dessus
des vagues, tous les autres oiseaux, dont nous étions journellement
entourés, se laissaient emporter au gré du vent sans
|jouvoir faire le moindre usage de leurs ailes.
Vers tjuatre heures de faprès-midi, le vent diminua im p eu ,
le baromètre remonta sensiblement, et le ciel commença â
s’éclaircir. Cependant nous eûmes encore de très-fortes rafales
durant la nuit et la plus grande partie du jour suivant; mais
le 5 , une brise de N.E. ramena le beau temps, et nos compagnons
de voyage, le procellaria pelagica, les pétrels, les
damiers et les fous revinrent jirendre jioste autour de la corvette,
parmi les albatrosses qui ne l’avaient point abandonnée.
Dans la matinée du 8 , nous fûmes entourés par un grand
nombre de baleines. A neuf h eu re s , nous passâmes très-près
duu navire qui était occupé â eu dépecer une qu’il tenait â
flot le long de son bord. Nous étions alors à cent vingt lieues
dans FE.S. E. du Rio de la Plata. Peu après nous aperçûmes
un autre bâtiment qui se dirigeait vers nous. Jugeant que celui-
ci avait l’intention de communiquer avec nous, nous mimes
en panne, après lui avoir abrégé une partie du chemin , et nous