vaut rédacteur du voyage de l ’infortuné La Pérouse est loin de
partager cette opinion ; mais quelque respectable que soit la
sienne, elle ne doit pas prévaloir sur celle des Portugais eux-
mêmes, qui, en 1784, envoyèrent du Brésil un bâtiment à la
recherche expresse de l’Ascensâo, et q u i, après le retour de cette
expédition, toutes les positions assignées précédemment à cette
île chimérique ayant été parcourues sans la trouver, la rayèrent
en définitive des cartes, pour ne point éterniser une erreur.
Le célèbre Halley, dans son second voyage fait en 1700, ne
dédaigna pas de prendre possession de file de la Trinidad au
nom de la Grande-Bretagne; et les Anglais furent en effet les
premiers qui cherchèrent à s’y fixer; mais ils ne tardèrent pas
à céder ce rocher stérile, d’aucune utilité pour leur commerce,
aux Portugais qui le réclamèrent. Ces derniers s’établirent sur
la pointe S.E., oéi La Pérouse les trouva lors de son passage en
1785. Il existe encore des restes de leur établissement détruit,
qu’ils ont depuis long-temps abandonné; et l’île n’est plus habitée
aujourd’hui que par des oiseaux de mer, des chèvres, des
chiens et des cochons sauvages. Elle a servi plus d’une fois de
refuge aux équipages des bâtiments en détresse ; e t , malgré la
stérilité de son terrain et l ’horreur des monts dénudés qui la
constituent, plus d’un navigateur a trouvé sur ses tristes rivages
l’espérance et la vie'-.
' N a u fra g e du brick l i J e t in e S o p h i e , etc.Un vol. in - 1 2 ; P a r is , ch ezE b erh a rt,
et Journal des Voyages, t. T"", 1818, p. 56.
Voyez aussi la notice de M. G ourbeyre, que nous avons insérée dans la Partw
historique du V oya ge de la C o qu ille , p. 36.
V.
D E LA T R IN ID A D A L IL E SA N T A -C A TH A R IN -A ,
Après avoir pris connaissance des îles de Martin-Vaz et de la
Trinidad, nous devions nous rendre directement aux îles Ma-
loùines pour doubler ensuite le cap Horii. Mais les traversins
des bunes ayant été rompus, ce genre d’avarie qu’il im]iortait
de réparer le plus tôt possible nous fit jirendre la résolution de
nous arrêter à l’île Santa-Catharina. Cette nouvelle direction
nous écartait peu de la première; et la relâche sur ce point de
la côte du Brésil nous offrait le double avantage de nous procurer
le bois indispensable pour la ré)iaration de notre mâture,
ainsi que les rafraîchissements qui nous étaient nécessaires, et
que la fertilité de cette partie du continent de l’Amérique nous
donnait la certitude de trouver en abondance.
Excepté à quelcjnes degrés des deux côtés de la ligne équinoxiale
, oti nous avions eu des grains de pluie et un temps couvert,
un ciel clair, un vent doux et une mer unie nous avaient
toujours accompagnés justpi’à l’attérage de la Trinidad; mais au-
delà de cette île la scène changea tout-à-coup. Une forte houle
du S u d , semblable à celle que l’on remarque d’ordinaire sur
les hauts-fonds, nous ballotta journellenent. Les coups de tangage
furent même si violents le 7 octobre, rpie la pensée nous
vint d’essayer la sonde ; cent trente brasses de lignes furent
filées en vain. Le ciel, devenu nébuleux, présentait à l'horizon
des grains qui en occupaient sans cesse le pourtour. Les vents
soufflèrent médiocrement, et furent très-variables du N. E. au
S .O .; ils ne se fixèrent à l’E. et au S.E. que le 8, époque à
laquelle il nous restait encore une vingtaine de lieues pour
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