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o ù la pltiparc des auteurs sont de s'interrompre pour disserter sur ce qu'ils exposent.
Cette marche est contradictoire aux principes que j'ai établis. Elle rend l'analyse imparfaite
et même impossible pour le lecteur, qui ne peut se permettre aucun raisonnement
sur des faits qu'il ne connoît pas encore. La description doit donc être séparée de la
théorie ; et c'est en ne les confondant point ensemble que leur valeur réciproque augmentera,
l'une gagnant en précision ce que l'autre acquerra de force, de lumiere et
d e simplicité.
C e seroit peut-être une entreprise utile que de substituer à la nomenclature ancienne
de l'anatomie une nomenclature entièrement nouvelle, dont les noms eussent dans les
différentes classes une correspondance régulière par leur genre, par leur composition et
par leurs finales, et dont la distribution méthodique, soumise à des regies constantes,
fut telle que l'esprit en conçût facilement le projet et que la mémoire en gardât sans
peine le souvenir. Ce travail, analogue à celui dont plusieurs cliymistes illustres ont publié
le plan pour k science qu'ils cultivent, semble devoir être l'ouvrage de ce siecle
éclairé : mais j'ai pensé qu'avant d'y procéder, il falloit revoir avec le plus grand scrupule
toutes les parties de la science anatomique et ne se décider qu'après le plus mûr
examen.
Tarin a fait paroitre, en 1743, un Dictionnaire ( 1 ) dont je me suis beaucoup servi
dans mes recherches. J'ai trouvé dans les écrits de Linné, dans ceux des naturalistes
modernes, et sur-tout dans le vocabulaire de botanique publié par M. Buliard (2),
un grand nombre de termes que j'ai cru pouvoir adopter. Autour de ces mots primitifs,
j'ai distribué leurs dérivés, leurs acceptions, leurs divisions, leur synonymie, et je les
ai fondus avec les noms anciens, de sorte que ce n'est pas une langue nouvelle que je
propose aujourd'hui, mais une langue renouvellée et enrichie d'expressions déjà familières
à plusieurs parties du monde savant, entre lesquelles on ne sauroit trop multiplier
k correspondance de la parole et de la pensée.
S U R L A D E S C R I P T I O N A N A T OMI Q U E DE L'HOMME
E T DES A N IMA U X COMPARÉS ENTRE EUX.
Cette matiere est si neuve, et les anatomistes s'en sont si peu occupés, qu'ils parussent
ignorer quels soins préliminaires il faudroit prendre pour se disposer à l'exécution
d'un projet dont quelques uns ont parlé, mais sur lequel il est évident que personne
encore n'a réfléchi.
L'homme marche droit : il est, comme je l'ai dit ci-devant, soutenu sur le talon et
sur toute k plante du pied; sa tête occupe k partie supérieure; le ventre, k partie antérieure;
et le dos est situé en arriéré. Dans les reptdes et dans les poissons, au contraire,
la tête est en devant, le ventre en dessous , le dos Su-dessus. La ligne suivantkquelle
le corps de l'homme est dirigé, et qui est verticale, fait avec celles du reptile et
du poisson un angle de 90 degrés. Dans les quadrupèdes proprement dits, on distingue
: 1°. k tête et le tronc, qui sont dans une situadon horizontale, comme le reptde
( , ) Dictionnràe anatomique, sdï i d'une blbliolieque an.lomiqne el physioloslips, par M. Tarin, in 4-, 17S3.
(2) Dictionnaire élémeulaire de Iwlanique, etc. par M. Buliard, infoL Paris, rySS.,
S U R L'ANATOMIE. - ii
et le poisson; les cuisses et les jambes, qui sont dans une direction verticale, comme
celles de l'homme. Ce qui rend k position des quadrupèdes encore plus compliquée,
c'est que la plupart de ces animaux, comme je l'ai dit au commencement de ce discours,
ne marchent que sur les doigts et ont le talon relevé. Les extrémités postérieures
des oiseaux sont aussi dans une situation verticale; mais leur corps est dirigé
obliquement et semble tenir le milieu entre k position de l'homme et celle des quadrupèdes.
Les singes ont aussi le tronc dans une direction oblique. D'où il suit que
les parties qui sont supérieures dans l'homme deviennent antérieures dans le tronc des
quadrupèdes, dans les reptiles et dans les poissons; obliquement tournées en devant
dans les singes et dans les oiseaux; que, s'il s'agit des cuisses et des jambes, la position
est k même dans l'homme, dans les quadrupèdes et dans l'oiseau ; mats que, s'il est
question du pied, ce qui est supérieur dans l'homme devient antérieur dans k plupart
des quadrupèdes, parmi lesquels on observe encore un grand nombre de variétés à cet
égard.
Je suppose que Ion ait à décrire et à comparer les différentes parues d'un organe
commun à ces divers animaux et dans lequel on reconnoisse six faces, comme dans un
cube. On suivra, sans doute, dans leur dénomination, l'usage reçu parmi nous, c'està
dire qu'on les divisera en supérieure, inférieure, antérieure, postérieure, droite el gauche.
Ces deux derniers noms ne varient point et peuvent être également employés
dans tous les cas : mais on voit que les quatre premiers cesseront d'être comparables
lorsqu'ils seront apphqués à l'homme, aux singes, aux quadrupèdes proprement dits,
aux oiseaux, aux reptiles et aux poissons. Il faudra s'interrompre pour avertir que la
face antérieure de l'un répond à k face inférieure de l'autre, et que, dans un troisième,
elle est oblique ; il faudra dire que la nomenclature est k même pour certaines
parties des extrémités, et qu'elle diffère pour quelques autres : ce qui rend le discours
obscur, en troublant toujours l'attention du lecteur.
Je sais bien qu'en plaçant sur une table tous les corps des animaux dont on se propose
de décrire les organes, ou en les redressant tous sur leurs extrémités postérieures,
on pourroit leur appliquer une nomenclature commune. Mais, dans la premiere supposition,
l'on cesseroit d'appeller supérieuresles parties qui répondroient à la tête; la plante
du pied seroit postérieure, au lieu d'être inférieure; et ce seroit l'homme que l'on rapprocheroit
des quad riipedes. La seconde supposition laisseroit subsister la nomenclature
employée dans nos livres pour l'anatomie de l'homme. Mais si l'on redressoic ainsi les
quadrupèdes sur leurs extrémités postérieures, il faudroit placer aussi dans une situation
verticale» à côté de l'homme, les serpents, les poissons et les vers, tableau qui répugne
au bon goût et à la raison. D'ailleurs, dans ces deux hypotheses, l'esprit seroit toujours
occupé des transposidons à faire pour réduire chacun de ces animaux à sa position naturelle
, et ce travail seroit peut-être plus pénible que celui dont on se seroit proposé
d'éviter l'embarras par ce grand bouleversement.
Si les anatomistes qui ont disséqué jusqu'ici le corps de l'homme et celui des animaux
n'ont point apperçu ces difficultés, c'est que le plus souvent ils ne les ont point comparés
entre eux, ou qu'en les comparant ils ont considéré k masse totale des visceres, sans
parler des détails qui sont indispensables dans le plan que j'ai tracé.