8 DI S C O U R S SUR L'ANATOMIE
o n quelque sorte, les deux extrémi tés d u système animal ; et les uns ne peuvent éprouver
d e grands changement s n i d e grandes variétés sans que les autres y part icipent . Ainsi les
especes qui se nourrissent de chair, parmi les quadrupedes et les oiseaux, ont les doigts
aigus et les mâchoires for tement a rmées; mais leurs estomacs sont peu robustes ; toute la
r é s i s t a n c e de la p roi e se fait au-dehor s : sa cliair se ramol l i t e t se digere aisément. Les animaux
dont les a l iment s se t i rent des substances végétales ont , au cont rai re, les extrémités
des doigts enveloppées d'ongles épais; leurs dents sont applaties dans leurs faces supér
i e u r e s , formées par des feuillet s et dépouiTues d'angles saillants et de pointes; mais leurs
estomacs et leur s intestins sont plus musculeux et plus étendus. Il s embl e qu'il y ait une
o p p o s i t i o n entre les organes extérieurs et les intérieurs destinés à ces usages ; que plus
l e s uns ont d e fatigue à essuyer , moins il rest e aux autres d e travail à fai re, e t qu'ainsi, par
u n e sorte de compensadon, cette fonction exige à -peu-prés dans tous, eu égard à leur
volume, une m ême somme d'efforts e t d e mouvements.
L e s dents, les estomacs, les intestins, sur-tout le coecum et la vésicule du fiel, sont
autan t de points appartenant au système de la digestion et sur lesquels les Anatomistes
ont le plus insisté. L e nombr e et la f o rme des doigts, des côtes , des ver tebres , ont encore
frxé leur attention. Le c r ine et la làce des animaux ont été comparés e n général avec ceux
d e l 'homme ; mais ces travaux n'ont point été faits avec assez d'étendue : o n n'a point
examiné séparément chacune des pieces qui composent la tête et le squélette; on n'a
p o i n t décri t les vaisseaux; on n'a point recherché quelle est l a s t ructur e intérieur e des visc
e r e s ; l 'hi s toi r e des nerfs et de leur origine, celle d u cerveau, du cervelet et des glandes
ont ét é tout-à-fait négl igées; o n pour roi tpresque d i r e l amème chose des organes des sens;
e n f i n les muscles du chien, du cheval et d u boeuf , sont les seuls dont on ait pris quelque
c o n n o i s s a n c e : je les ai disséqués et décr i t s avec la p lus grande a t tent ion, soit dans ces quad
r u p e d e s , soi t dans p lusieur s autres d'un ordre différent , soit dans les oiseaux et dans les
r e p t i l e s ; e t j 'en ai t iré, pour la comparai son des animaux ent r e eux, des résultats qui m'ont
b e a u c o u p servi. J'ai vu, dans les singes d e la plus grande espece, les muscles qui se dirig
e o i e n t du bassin vers la jambe s'y insérer très loin du genou, et former avec elle, dans
l ' e x t e n s i o n la p lus complet e dont ces animaux soient susceptibles, un angle qui rendoit
e n eux la starion parfaite difficile e t peu durable; observadon qui établit une différence
f r a p p a n t e , quant aux atdtudes et aux mouvements, e n u e l'iiomme et le singe, et qui relègue
celui-ci parmi les quadrupedes . J'ai vu les muscles de la face se changer en u n pannic
i d e charnu; ceux des levi'es s'élargir e t s'applarir, tandis que ceux d u nez acquéroient de
l ' é l é g a n c e dans leurs formes, et devenoient plus nombreux ( i ) ; j'ai vu le digastrique perd
r e p resque enderement son tendon mitoyen ; le l igament stylo-maxillaire changé en un
muscle (2); le steruo-mastoïdien s'insérer tantôt à la mâchoi r e Inférieure (3) , tantôt se
diriger vers le haut du col, avec les fléchisseurs de la tête (4); le pet i t pectoral manquer
dans quelques ordres ( 5 ) ; les droi t s d u bas-ventre s'allonger; l e del toïde décomposé, pour
ainsi dire, et divisé en plusieurs porrions (6); un plan charnu très large se por t e r d u nioi-
( 1 ) Dan.'i le saJigHer et !cs nirainants.
(2) Daiis te cheval.
( 3 ) Daiislceheva].
( 4 ) Dans le mouton.
<5) Dans plusieurs niminanls.
(6) Dans les nnninant s et clans le d ievai , le muscle delloïdeestieprÉsenté
par le burdanlér ienrdu muscle commun
(lubras, par la pai lle moyenne et inférieure (lu nniscle commun
à látet e et au bras, cl parles muscles abducteurs de
M Bour^ekt.
E N G É N É R A L . 9
gnon de l'épaule vers la tête ( 1); le grand pectoral fortifié en devant par un plan extér
i e u r (2) ; le grand dentelé, remarquable par une division cervicale très forte ; le trapeze
s u p p l é é , dans son extrémité antérieure, par u n autre muscl e (3); le rhomboïde s'élever
jusqu'à l 'occiput (4); le biceps changer d e nom, parcequ'il neluirestoi t qu'une tête; les
s u p i n a t e u r s et les p ronateurs, après avoir été réduits à de très pet i tes masses, disparoître
tout-à-fait dans quelques familles : j'ai v u dans les lombes un muscle de plus (5) ; dans
la région ihaque externe, le grand fessier représent é par un plan très minc e ; les deux
o b t u r a t e u r s n'en former qu'un seul (S); parmi les rotateurs de la cuisse, les juineaiut
marqués à peine (7); le droit antérieur de la jambe, double (8) ; le droit interne très
large (9); le couturier très raccourci (10), ou presque effacé ( i 1), et le biceps de la
jambe tel lement élargi, qu'il étoit méconnoissable ( 12) : j'ai vu le solaire, confondu avcc
le per foré, ne former qu'un seul corps avec lui ( i3) , et toutes ces di f férences, conservant
des rapports déterminés avec les diverses formes des squélettes et des visceres, fournir
u n e nouvelle preuve de cette grande harmoni e que la N a t u r e mont r e pai - tout à ceux qui
é t u d i e n t ses productions.
C e s t e n disséquan t les muscles des quadrupedes que j'ai trouvé dans quelques uns (14)
des clavicules bien formées, dont aucun Anatomiste n'avoit eu connoissance, et, dans
d ' a u t r e s ( i 5 ) , des os placés dans la même région que l'on pourroit appellor d u nom de
clamculaires, et que l'on n'avoit point encore observés, parcequ'on n'avoit point examiné
les muscles ent r e lesquels ils sont flottants.
O n demandera peut -êt r e quels sont les usages d e ces os formés à l ' imi tat ion des clavicules,
dont cependant ils n'ont pas la solidité, puisqu'ils ne s'étendent point de l'omop
l a t e au s t e rnum; mais ne ret rouve- t -on pas évidemment ici la ma r che de la N a t u r e , qui
semble opérer toujours d'après un model é primidf et général dj^nt elle ne s'écarte qu'à
r e g r e t , et d o n t on rencontre par-tout des traces? Peut -on se défendre de cette pensée,
e n voyant le plus intelligent, peut-être, de tous les animaux, l'éléphant, pourvu d'un
cai-pe, d'un métacarpe et d e doigts semblables à ceux d e l 'homme, mais encroûtés d'une
masse solide qui s'oppose à leurs mouvements, et réduit ces grands animaux, sous ce
r a p p o r t , à la condition des solipedes? Peut-on se refuser à cet t e pensée en observant
les deux pedt s doigts extérieurs situés, dans quelques quadrupedes, au-dessus des doigts
moyens, qui sont les p lus longs e t les seuls ut i les ; e n e-xaminant ce faisceau charnu si délié
qui tient, dans le chien et dans plusieurs fissipedes, la place d u longsupinateur? Peut-on
s'y refuser e n f i n , en comparant les os maxillaires an térieurs, que j'appelle incisifs dans les
q u a d r u p e d e s , avec cette piece osseuse qui soutient les dents incisives supérieures dans
l ' h o m m e , où elle est séparée de l'os maxillaire par u n e pet i t e fêlur e très r ema rquabl e dans
les fétus , à peine visible dans les adul tes, et dontpe r sonn e n'avoit connu l'usage?
(1) On l'appelle muscla commii:i à la iéte et au broei.
(2) Par le muscle commun du bras.
( 3 ) Par le bord supérieur du muscle coinmiin à la tfite et
au bras.
(.i) Dans plusieurs fissipedes.
(5) Je l'ai appelle iléo-lombalre, iax\s le cheval.
( 6 ) Dans le bélier.
(7) Dans le cheval et dans les niininants.
(S) Dans le lapin, le Uevie et le cliien.
( 9 ) Dans presque tons les quadrupedes.
(10) Dans ledieval et dans les ruminants.
(11) Dansle lapin e l l e lievre ; dans le cochon d' inde; dans
le chat. On le trouve bien exprimé dans le chien.
( 12 ) E est représenté par un muscle très grand et très
large que l'on appelle le long-vaiie.
{13) Dans presque tous les quadrupèdes.
( 1 4 ) Dans le lievre et dans le lapin.
( 1 5 ) Dansle cochon d' inde, la ijéletle e l l e chat.