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touie méprise, et nos expressions, d'accord avec nos idées, ne conduiront point à l'erreur.
L'ouverture des trous incisifs, et l'étendue de l'espace qui sépare les dents incisives
des mâchelieres, sont proportionnées à la longueur de l'os incisif. Cet espace, qui n'existe
point dans l'homme, estdéja très marqué dans les singes cynocéphales; il s'accroît dans les
autres lîssipedes, et il occupe une grande partie des bords alvéolaires dans les solipedes
et dans les bisulques. Les quadrupedes, qui ont des dents incisives à chaque mâchoire,
à l'exception du hérisson, des musaraignes et du rat volant, manquent de dents canines,'
et à leur place est un espace vuide comme les barres du cheval (i). Le lievre et le lapin
sont dans ce cas.
C'est dans cet espace (2) que se trouvent les dents angulaires ou canines. Celles-ci,
placées dans les deux points qui correspondent aux commissures des levres, sont plutôt
une arme dont l'animal se sert pour sa défense, qu'un instrument propre à la mastication.
Ce qui donne une grande vraisemblance à cette opinion, c'est que tous les ruminants
qui ont des cornes, tels que le taureau et le belier, sont dépourvus de dents canines
, tandis que ces dents se trouvent dans les mâchoires des ruminants qui, comme
le chameau, n'ont point la tête surmontée de cornes, et que, dans le barbi-roussa, les canines
de la mâchoire antérieure, au lieu de se diriger vers l'intérieur de la bouche, sortent
en sens inverse vers les angles des levres, et se roulent en formant sur chaque côté de la
face des contours très étendus.
Un caractere propre aux dents angulaires des divers animaux est qu'elles sont courbes
et aiguës, et qu'elles surpassent en longueur les dents des autres ordres. C'est dans les
carnivores (3) sur-tout qu'elles sont aiguës et prolongées (4), et que leur base est large
et profonde. Elles sont aussi fort longues dans plusieurs quadrupedes qui vivent d'insectes
et de fruits. Elles sont obliques et presque horizontales dans ceux dont la face se
termine par un long museau , tels que le sanglier. Enfin dans quelques genres, comme
dans le cheval, elles ne paroissent que sous la forme de petits crochets, et plusieurs femelles
en sont dépourvues. De cette remarque, qui n'a point échappé àM.Broussonnet,
et d'un grand nombre d'autres que Je pourrois y ajouter, Je conclus avec lui que les dents
angulaires sont en même temps les moins nombreuses, et celles de toutes qui varient le
plus par leurs formes et par leurs usages.
Les dents petites molaires composent un ordre particulier moins étendu que les autres,
et que Je regarde avec M. Broussonnet comme analogue à celui des dents des carnivores.
Elles sont au nombre de quati'e dans chaque mâchoire de l'homme et de la plupart
des singes. Dans le sajou on en voit deux de plus à chaque mâchoire ; ce qui porte à
trente-six le nombre total des dents de cet anim-al, dont les grosses molaires sont égales
en nombre à celles de l'homme. M.d'Aubenton a trouvé de petites molaires dans l'écureuil
, la marmotte, le hérisson, les musaraignes, le phalanger, le chat et le tigre. Observons
ici que, dans plusieurs carnivores , les petites molaires ne sont surmontées que
d'une seule eminence : c'est ce que J'ai vu dans le chien ; la premiere dent mâchehere,
après l'angulaire, est petite et aiguë comme une canine proprement dite. Il me semble
( 0 Ceire remarque appartient à M. d'AubeiUon. (4) Les quadnipcdes qui ont des dents canines courtes
(2) Je l'appelle in le rd enta i r e , iriierdeniUium. ne se servent de cette arme ni pour coiiibaltrc ni pour
( 3 ) Voyeï le premier mémoire de M. Broussonnet sur tuer "
S U R L'AN A T O M I E . 27
donc que l'on seroît exact en divisant les petites molaires en monoscupides etbicuspides,
c'est-à-dire en dents qui ont une ou deux pointes.
On a regardé celles-ci comme étant formées de deux dents canines réunies, comme
chaque grosse molaire paroît résulter du rapprochement de deux molaires bicuspides (1).
Mais cette maniéré de comparer entre elles les canines et les deux ordres de molaires
ne convient qu'aux dents de l'homme et à celles de quelques quadrupedes qui se nourrissent
de fruits et d'écorces, ou de viande. On ne trouve aucun rapprochement entre les
molaires et les canines des herbivores, dans lesquels ces dernieres, si elles ne manquent
pas tout-à-fait, font au moins très peu de saillie et se voient à peine.
Les dents molaires ou mâchelieres doivent être considérées comme les véritables
instruments de la mastication : aussi sont-elles les plus nombreuses (2), les plus larges,
et celles qui varient le moins. Leurs racines sont doubles, triples ou quadruples, et leurs
surfaces opposées portent sur- tout l'empreinte de leurs caractères spécifiques. J'en distingue
trois sortes dans les quadrupedes des divers ordres ; lès unes sont applaties, horizontales,
et formées de lames pei-pendiculaires, dont l'extrémité saillante paroît sous la
forme de croissant, de trefles, de triangles, d'orbes irréguliers, de sinuosités transversales,
comme on le Voit dans les rats, dans le castor, dans l'éléphant, dans le cheval (3),
et dans le taureau. Cette structure appartient aux dents des quadrupedes qui se nourrissent
soit d'herbes, de feuilles tendres, et de graines peu dures, soit même de fruits et
d'écorces, comme le rat d'eau. Les dents mâchelieres des carnivores sont, au contraire,
coupées obliquement, recouvertes d'une seule couche d'émail, et surmontées d'éminences
aiguës et tranchantes, de forme triangulaire ou pyramidale, et beaucoup plus élevées
d'un côté que de l'autre. Je place entre ces deux ordres les dents molaires qui, recouvertes
d'une seule couche d'émail comme les précédentes, sans sinuosités sur leurs
surfaces comme les premieres, et coupées dans une direction à-peu-près horizontale ,
sont hérissées de plusieurs tubercules ou pointes mousses. On trouve ces sortes de dents
molaires dans l'homme, dans les singes, dont les aliments se tirent du regne végétal, et
dans le sanglier, qui se nourrit de fruits, de graines, et de racines plus succulentes et plus
faciles à triturer que les feuilles et les herbes. Les dents de ce troisième ordre, ou à tubercules,
peuvent broyer des aliments de toutes les sortes ; aussi les quadrupedes qui en sont
pourvus s'en accommodent-ils lorsque les circonstances l'exigent. Ils sont vraiment omnivores.
Les dents du premier ordre, ou à lames, se trouvent sur-tout dans les herbivores,
et dans quelques quadrupedes qui ne se nourrissent que de végétaux. Celles du second
ordre, ou à pointes, n'appartiennent qu'aux carnivores : leur mécanisme n'est pas le
même que celui des deux autres ordres ; on ne peut les comparer à des meules ; elles
coupent, elles déchirent, mais elles ne triturent pas comme les dents à tubercules ou à
lames,dont les tablettes larges, applaties, et à-peu-près horizontales, se touchent, lorsqu'elles
sont rapprochées, dans une très grande partie de leur étendue, tandis que celles
des dents à pointes, quelque rapprochées qu'on les suppose, laissent toujours dé grands
intervalles entre elles.
( 1 ) M. J. Ilunter a donné à celles-ci le nom de bifurc/
iiées.
( a ) Les tatous ont beaucoup de dents nKlchelicres,
parcequ'ils n'ont ni incisives ni canines. M. d'Aubenton.
( 3 ) C'est dans les foetus du cheval qu'il fant les considérer.
Ou y volt les lames verticales d'autant plus sensibles
qu'elles seules composent la totalité de la dent.
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