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n'exisreroic peut-être aucune trace de l'industrie des hommes. Il suit enEn que la main
n'est, pour les singes, qu'un instrument propre à saisir les corps, et c'est en la comparant
avec celle de l 'homme que l'on découvre pourquoi lui seul a créé les arts.
En continuant l'examen de la main postérieure ou pied du singe, j'ai appris que chacun
des muscles perforés fournit un tendon au pouce, sans doute añn que, dans toutes
l e s attitudes et dans loutes les circonstances possibles, ce doigt soit fléchi sans peine
e t par une suite nécessaire de la disposition des partieá. Cette structure doit être
très utile à C€S animaux, qui ne sont pas, à parler rigoureusement, des habitants de la
terre, mais qui vivent sur des arbres, aux branches desquels ils sont sans cesse accrochés
et suspendus. Considérons-les sous cet aspect, et nous verrons que l'étroitesse de leur
bassin, que la forme d e leur corps qui se rétrécit de haut en bas, que la demi-flexion des
cuisses suri'os des îles, que la direction des callosités, que la séparation du pouce d'avec
les autres doigts du pied sont très propres à cette habitation, et répondent à toutes les
conditions de cette hypoihese.
J e suis bien loin d'avoir épuisé la matiere. De nouveaux faits viennent appuyer ma
conjecture et la changent en démonstration. Dans l 'homme, les muscles fléchisseurs de
la jambe se terminent par des contours doucement arrondis vers la région la plus élevée
de l'os tibia. Dans le singe ces mêmes muscles se por tent très loin sur la face interne de
cette partie, où ils forment une corde qui rend très difficile et très rare sa parfaite extension
sur la cuisse. Mais c'est sur-tout dans la maniere dont le tendon élargi du muscle
plantaire passe sur le caîcaneum du singe que j'ai trouvé la raison pour laquelle cet animal
n e peut marcher droit : c omme n t , en effet, tout le poids du corps pourroit-il être soutenu
sur une base osseuse qui, comprimant et gênant le muscle fléchisseur, rendroit imparfaits
et pénibles des mouvements sous lesquels la station et la marche n'auroient aucune
solidité? L'homme, au contraire, a le talon nu et dépouillé de toute expansion musculaire
, et lui seul est ainsi conformé.
Que l'on s'accoutume donc à regarder comme indispensable la connoissance la plus
exacte des plus petits organes, puisque l'examen d'une toile aponcvrotique nous a dévoilé
pourquoi l'homme seul est vraiment b ipede, et que la description la plus soignée des petits
os du carpe a pu seule nous apprendre quels doigts des quadrupèdes correspondent
à ceux de l 'homme, et comment le pouce, l'indicateur et l'auriculaire sont ceux dont on
retrouve les traces dans presque tous les individus. C'a toujours été dans l'étude approfondie
des détails que l'on a surpris les secrets de la nature, et c'est à ceux-là seuls qui
ont le courage de tout apprendre qu'il est permis de croire que l'on peut lout expliquer.
L'imitaiion est un autre trait non moins saillant dans les moeurs du singe. De la fréquente
répétition des contractions musculaires naissent en lui l'habitude qui les reproduit
et la sûreté qui les dirige. On ne peut considérer un moment cette espece d'animal
sans être étonné de la vitesse et de la succession non interrompue de ses mouvements :
o n diroit qu'une force irrésistible le tourmente sans relâche ; il s'agite, il s'approche, il
s'éloigne, il se presse de monter, il se hilte de descendre. Cette inquiétude est sans cloute
un grand obstacle à sa perfectibilité. Qu'apprendre, en effet, à celui qui se meut toujours,
puisqu'il n'est point d'étude sans réflexion, et que réfléchir c'est s'arrêter?
Le nombre des doigts des quadrupèdes, considéré dans chaque extrémité, est au plua
m
S U R L'ANATOMIE.
de cinq. Il résulte des nombreuses observations de M. d'Aubenton, que la plupart de ces
animaux ont cinq doigts à chaque pied; que, parmi ceux qui sont ainsi conformés, on en
compte un tiers dont le doigt interne du pied a la forme d'un pouce, et que, dans trentetrois
especes, les doigts antérieurs et les postérieurs ne sontpas en même nombre.
C'est encore des recherches de M. d'Aubenton que j'ai tiré les résultats suivants:
Les quadrupèdes peuvent être divisés en dix sections, à raison du nombre de leurs
doigts.
Dans la p remiere, en comparant toujours le nombre des doigts d'une des extrémités
antérieures avec celui des doigts d'une des extrémités postérieures, la proportion est de
cinq ( 0 à cinq, comme dans l'homme et dans les singes, H.
Dans la seconde, elle est de cinq à quatre, comme dans le chien et le chat,
Dans la troisième, elle est de quatre à c inq, comme dans le tamanoir, .
Dans la quatrième, elle est de quatre à quatre, soit que l'animal s'appuie sur ses quatre
doigts, comme l'hyoene, ou sur deux seulement, comme les bisulques, <:<.
Dans la cinquième, la proportion est de quatre à trois, comme dans le cochon
d'Inde, ti.
Dans la sixième, elle est de trois à trois, comme dans l'ai,
Dans la septième, elle est de deux à quatre, comme dans le fourmilier,
Dans la huitième, elle est de deux à trois, comme dans l'unau,
Dans la neuvieme, de deux à deux, comme dans le chameau,
Enfin, dans la dixième, elle est d'un à un, comme dans le cheval, dans l'ilue, le zebre
et l'onagre,
Remarquons que, dans le phalanger, deux des doigts sont réunis en un seul, sans cependant
que les ongles soient confondus entre eux. Observons que, dans les singes et
dans les maKis, chaque doigt est formé de trois phalanges, tandis qu'on n'en trouve que
deux dans quelques uns des doigts de plusieurs autres fissipedes. N'oublions pas qu'il
existe une proportion constante entre le nombre des os du métacarpe et du métatarse et
celui des doigts, et que les quadrupèdes bisulques ne font point exception à cette réglé ;
quoiqu'avec deux doigts ils n'aient qu'un canon, puisque cet os , simple en apparence,'
est composé, dans les jeunes sujets, de deux pieces très distinctes, qu'une ossificatioii
rapide confond de sorte qu'il n'y en a plus qu'une seule (2) dans un âge avancé. Ces mêmes
quadrupèdes ont deux petits doigts surnuméraires sur lesquels l'animal n'est point appuyé,
et dont chacun s'articule avec un petit os métacarpien ou métatarsien. Ces deux
doigts surnuméraires sont en général plus volumineux dans les ruminants à cornes solides
que dans ceux dont les cornes sont creuses; dans le renne, par exemple que dans le
boeuf. Il m'a paru aussi qu'ils étoient plus gros dans les extrémités antérieures de ces bisulques
que dans les postérieures. Dans le sanglier les deux doigts surnuméraires sont très
exprnnés, et l'os du canon est remplacé par deux os épais et courts. Dans le cheval l'os
du canon est environné de deux petits os aigus (3) que l'on doit regarder comme tenant
heu de deux os du métatarse, on comme répondant à deux ordres de phalanges ébauchées.
(.) Le premier nombre disigne loujours celui des doigts île Tcxlrémilé .inlcrieure
i, M P. ''•"'«»""«»'"''""-'"•"veM.^W dc>,cUma, 17,2.
Î 3 ) M . dAubenloniesappeUce/îiVief. "