2 b DI S C O U R S
L e s dent s à t i iberai les et à .point e s o n f u n e grande analogie ent r e elles : Iciiî- émai l est
d i s p o s é d e la m ême maniéré ; les tablettes sont plus obl iques, et les éminencesfontplus
d e saillie e t se p r é s e n t e n t sous des angles plus aigus dans les secondes que dans les pre-
• n i i e r e s ; m a i s au fond leur s t ructur e est la m ême . Aussi les animaux carnivores mangentils
quelquefois des végétaux, tandis que les ruminant s et les solipedes refusent de se
n o u r r i r d e viandes. L e s dent s à lames des herbivores sont donc ti'ès é loignées de celles
d e s deux autres sect ions, et il n' y a point de véritable rapprochement entre elles. Les
d e n t s d e tous les quadrupede s connus p e u v e n t se rappor ter à ces trois ordres.
C ' e s t l ine recherche curieuse que de considérer dans cette classe d'animaux les diff
é r e n t e s combinaisons des divers ordres de den ts. Le sajou, par exemple, le mococo,
l e phalanger , l e hérisson et l'oreillard, ont chacun trentè-six d e n t s doni la distribution
v a r i e dans chacun d'eux. Le phalanger a hui t dent s incisives supérieures; le mococo ,
l e sajou et l'oreillard, en ont quatre, et le hér isson'n'eu a que deux. O u compt e dans
c e dernier t rente-deux d ent s molai res ; d a n s le phalanger il y e n a v ingt - s ix, dans l e sajou
v i n g t - q u a t r e , dans le m o c o c o et dans l 'oreiUar d v ingt -deux, avec cet t e d i f férence q u e les
•molaires supér ieures s o n t au n omb r e de douz e , et les infér ieures au n omb r « de dix dans
l e m o c o c o , au lieu que, par u n e disposition inverse, les inférieures sont au nombr e de
d o u z e et les supér ieures au n omb r e d e dix dans l'oreillard. Nous sommes b ien loiu de
p o u v o i r rendr e c omp t e d e ces variétés, qui n e paroissent que bizarres au p r emi e r aspect,
m a i s qui sont , o n n'en sauroit douter , relatives à la force , aux besoins .des animaux., et
s u r - t o u t à la n a tur e des a l iment s dont ils doivent se nour r i r. Dé j à M.Br o u s s o n n e t aingén
i e u s e m e n t remarqué que les d ent s incisives supér ieures et m o y e n n e s d e l 'homme , étant
p l u s larges que les latérales, e t ne se touchant point , sont , par cet t e disposi t ion, analog
u e s aux incisives des herbivores , tandis q u e les incisives moyennes d e la m â c h o i r e infér
i e u r e , é t a n t m o i n d r e s que les latérales, ont des rappor t s avec cel les des animaux carnass
i e r s . Ainsi des ©bservadons exactes e t des comparaisons suivies expl iqueront successivem
e n t , t o u t e s ces énigmes.
N o n seulement le sexe appor t e quelque différence d a n s les forme s des dent s , comme
j e l'ai di t en parlant du cheval ; ma i s l e cl imat influe encor e sur leur n omb r e et sur leur
s t r u c t u r e dans les animaux du même genre. C'est ainsi que, suivant la remarque de
M . Camper, le rhinocéros d'Afrique', a rmé de deux cornes, n'a point de dents incis
i v e s ( i ) , tandis q u e celui d'Asie, qui n'a qu'une corne, est pourvu de deux dents incis
i v e s supérieures, et de quati-e inférieures (2). C'est ainsi que, suivant le m ême anatom
i s t e , les l ame s des d e n t s molai res d e l 'éléphant d'Asie sont b e aucoup plus nombreuses
q u e celles de l 'éléphant d'Af r ique ( 3 ) ; c e qui fourni t un mo y e n sù.r p o u r les reconnoître
e t les caractériser tous deux.
V e u t - o n avoir en peu de mot s une idée exacte d-e l 'act ion de toutes les especes de
d e n t s molaires dont j'ai par l é jusqu'ici? Dans les carnivores, el l e résulte du mouvement
a j i g u l a i r e des mâdioi res qui s'élevent et s'abaissent, s'éloignent ou se rapprochent , les
d e n t s qui sont taillées obl iquement glissant les unes sur les autres d e haut en bas. Dans
l e s herbivores , c'est principalement de droite à gauche que l'os maxillaire pos tér ieur se
( 1 ) Le rlilnocéros d'Afrique a la peau lisse.
(2) Celui-ci a !a peau iiigueuse et plissée.
(3) Il faut remarquer que cei éléphant est d'u
inférieure à celle du premier.
S U R L' A N A T O M I E. 29
d é p l a c e ; dans l 'homme, comme dans les singes, les molaires inférieures, en passant
sous les supérieures, décrivent des courbes dont la g randeur et l'élévation varient, leur
i n o u v e m e n t étant composé d e ceux qui se f o n t d e haut e n bas, d e droi t e à g a u c h e , et de
d e r r i e r e en devant. E n h n , suivant les obsei-vations de M. C ampe r ( i ) , c'est principaler
i i e n t dans une direction longitudinale que se p o r t e n t les dent s molaires d u cabiai et de
l ' é l é p h a n t , et c'est aussi dans le m ême sens q u e se fait d ans c e dernier l 'effort d e leur acc
r o i s s e m e n t .
D e s rapport s constants existent entre la s t ruc tur e des d ent s des carnivores et celle de
l e u r s muscles, de leurs doigts, de leurs ongles, de leur langue, de leur estomac, et de
l e u r s ' i n t e s d n s . Cet appareil doit évidemment servir à pour suivre, à tuer des animaux, à
d é c h i r e r leurs membres, à digérer leur chair, à s'abreuver de leur sang. Se pourroit-il
q u e cette guerre non interrompue entrât dans le plan de la nature ! p a r elle le fort fuC
a r m é contre le foible ; p a r elle fut aiguisée la d e n t d u lion et d u tigre ; par elle les subs
t a n c e s végétales furent dest inées à nour r i r des animaux qui , dévorés à leur tour , se rep
l o n g e n t successivement dans ce regne m u e t e t insens ibl e o ù tout s 'abyme et s'engloudt;
p a r elle enfin furent organisés ces grands quadrupedes (2) qu'on ne retrouve plus, et
d o n t les débris épars laissent entrevoir que le domaine de la vie a déjà reçu quelquea
t t e i n t e , e t que celui d e la m o r t s'éleve sur ses ruines et s 'agrandi t à ses dépens.
L e rat appcl l é hamster a. des poches ou abajoues analogues à cel les des singes. L e s unes
e t les autres seront l 'objet d e nos recherches.
L ' o s hyoïde, dont l'usage est d e souteni r la bas e de la langue, s'alonge à me s u r e que
la face et la langue el le-même acquièrent plus d ' é t endue . Il est f o rmé de trois o u d e cinq
o s s e l e t s dans les quadrupède s claviculés, et d e neuf dans la p l u p a r t d e ceux qui n e le sont
p o i n t .
E n t r e l'os hyoïde et le larynx de quelques singes est un sac ( 3 ) membraneux, eC
d o u b l e dans l 'orang-outang, simple dans la p lupa r t des aut res singes, osseux dans l e singe
r o u g e de Caïenne, et que M.Camp e r a ret rouvé membraneux dans le r e n n e , sans que
n o u s sachions ni quel est son usage d ans les singes, ni pourquoi cette conformat ion leur
e s t c ommu n e avec un quadrupede ruminant que tant de caractères en éloignent et qui
a si p e u de rappor t s avec eux.
D ' a u t r e s cavités, et des cloisons placées à l ' intérieur du larynx d e quelques quadrup
è d e s , tels q u e l 'âne e t le sangl ier , f o rme n t des d i f férence s d o n t nous n e négl igerons point
d e nous senijr.
T o u s les fissipedes o n t u n estomac s impl e , c ' e s t ' à - d i r e formé d 'une seule cavi té. Dans
r i i a m a , dans la vigogne, dans l 'hippopotame, et dans quelques uns des bisulques sans
c a n o n , c e viscere est compos é de plusieur s sacs i r régul ier s qui c ommu n i q u e n t ent r e eux.
D a n s tous les b i sulque s qui ont u n c anon, les quat r e estomacs sont compl e t s , et la rumi -
n a d o n e n consdtue le p r incipa l caractere.
L a vésicul e du fiel m a n q u e dans p lus ieur s q u a d r u p è d e s de difiérentes classes; tels sont
(1 ) M. Camper a fait sur-l'élôphant et sur les siiiges un
grand nombre d'observations nouvelles dont il est à désirer
que les savants ne soient pas privés plus long-temps.
(2)Tels sont le mamoiuli e l l 'éka aux cornes palmées.
T o m e . 1. Discours.
Observations sur la Virginie, par M. Jefferson, p. io3 et i atf;
ouvrage Iraduit nouvellement, et publié par un des plus
savants littérateurs de cette capitale. CM. l'abbé Morellet.)
(.3) J'ai donné à ce sac le nom à'hyo-thyroïdien.