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10 DI S C O U R S SUR L'ANATOMIE
Depuis qu'on se livroit à l'éLude de l'Anatomie limnaine, on avoic toujours dit : « Les
33 os quarrés du palais ont une très petite étendue; pourquoi sont-ils séparés de la mâchoire
» supérieure, dont la voûte palatine aui'oit été si faci lement prolongée jusqu'au bordposté-
5) rieur de cette fosse? Pourquoi, disoit-on, les os unguis ne sont-ils pas continus avec l'os
M planum, qu'il auroit été plus simple d'étendre jusqu'à l'apophyse montante de l'os maxil-
M laire supérieur? Enfm, ajoutoit-on, la ti'ès petite apophyse orbitaire de l'os palatin est
53 un point que les os situés le plus près auroient facilement fourni. »
Accoutumés à voir des dispositions dont ils ignorent les causes et la fui, les Anatoniistes,
après avoir fait ces questions, étoient restés dans le silence de l'étonnement:
mais qu'ils jettent avec moi les yeux sur les os de la face des solipedes et des bisulques
dans lesquels cette région est très prolongée, ils appercevront aussitôt que ces pieces,
dont la petitesse les avoitsui-pris, sont ici très étendues; que c'est vraiment dans les quadrupèdes
que les os de la face jouissent de tout leur développement; que, dans l'homme,
on n'en trouve que le raccourci; jnais que l'ordre et la distribution générale sont les
mêmes dans tous.
C e n'est pas seulement sur la structure et la comparaison des os, des visceres, des
vaisseaux et des muscles, que l'Anatomiste établit ses cai'acteres; il peut encore donner à
ses vues un champ plus vaste; il peut s'élever à de plus hautes conceptions. La distribution
des nerfs et la structure du cei-veau, du cervelet et des moëlles allongée et épiniere
lui offrent une nouvelle source de remarques importantes. Ces organes ont avec l'ame
des rapports inconnus; mais, considérés dans les corps vivants des divers ordres, ils en ont
entre eux qu'il est possible de déterminer; et comparant ensuite le tableau de ces différences
physiques avec celui de l'entendement ou de l'instinct, du sentiment ou des
passions, des mouvements ou des besoins de chaque classe d'animaux, il semble que
l'on puisse espérer d'avoir un jour quelque prise sur l'agent caché qui s'unit et qui commande
à la niatiere; commerce admirable et incompréhensible pour celui même qui en
est le sujet; commerce qui sera peut-éti-e à jamais un mystere pour nous, mais dans
l'examen duquel il est permis à l'esprit humain de s'essayer, en dirigeant vers cette recherche
difficile toute la finesse de l'obsei-vation la plus déHée et toute la force de la logique la
plus exacte.
Les fautes de ceux qui ont couru la même carriere ont montré des écueils dans lesquels
nous éviterons de tomber avec eux. Loin d'ici ces vaines et dangereuses spéculations sur
le siège de l'ame, sur les diverses régions cérébrales auxquelles des Auteurs qui la regardoient,
avec raison, comme un être indivisible et simple, avoient cependant pensé, par
une contradiction choquante, que ses différents modes pouvoient correspondre. Nous
n'oublierons point que nous écrivons sur l 'Anatomie; nous nous bornerons à recherclier
quels sont les points dans lesquels il se réunit un plus grand nombre de ces fibres molles
qui sont le foyer du sentiment et du mouvement. Le cerveau des quadrupèdes ressemble
beaucoup à celui de l'homme; nous y trouverons cependant des différences très frappantes;
nous y remarquerons la petitessedeshémispheres, le grand volume des tubercules
quadrijumeaux, de la voûte à trois piliers, de l'origine des cornes d'Amnion, des corps
bordés, de l'entonnoir et de la glande pituitaire; le peu d'étendue des prolongements
postérieurs des ventricules latéraux, des régions latérales du ceiTelet et des éminences
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olivaires et pyramidales : nous insisterons principalement sur la disproportion qui se
trouve dans les grands quadrupèdes entre la grosseur des nerfs et la masse pulpeuse d'où
ils sortent, et qui leur suffit à peine : nous verrons que dans les oiseaux cet organe est fiiit
sur un autre plan : nous y observerons quatre tubercules pairs et deux impairs; des
premiers que réunissent deux commissures, naissent les nerfs de la premiere paire; les
deux tubercules inférieurs qui sont excavés produisent le tronc commun des nerfs optiques,
et le cervelet est formé par plusieurs bourrelets horizontaux et très étroits. L'examen
des poissons nous montrera une structure plus variée, mais plus simple : nous y
observerons plusieurs tubercules dont les antérieurs sont destinés à fournir les nerfs
olfactifs, les moyens où se trouvent quelques éminences arrondies à produire les nerfs
optiques, e t le tubercule postérieur qui est impair et très petit à tenir lieu de cervelet.
Réunissant ensuite tous ces détails, ne pourroit-on pas dire, ajouterons-nous, qu'en
supprimant dans le cerveau de l'homme les grands hémisphères, le corps calleux, le
septum-lucidum, la voûte à trois piliers, les cornes d'Ammon et leurs annexes, la glande
pinéale et ses pédoncules, en composant le ceiTelet d'un ou deux globules très petits,
en plaçant sur deux lignes parallèles dirigées de devant en arriéré les corps striés très
rétrécis, les couches optiques creusées d'une cavité et réunies parleur partie supérieure,
en applatissant la protubérance annulaire , et en réduisant toute cette masse à un très
petit volume, le système nerveux de l'homme auroit alors la même disposition que celui
des poissons ou des amphibies? De même, en plaçant en-dessus les corps striés, ótenles
renflant plus que dans les poissons, en portant les couches optiques en-dessous, en les
écartant et en les excavant, toutes les parties dont il a été question restant d'ailleurs supprimées,
le cerveau de l'homme ne ressembleroit-il pas à celui des oiseaux, et, avec d'autres
changements, à celui des quadrupèdes?
Sans embrasser un aussi grand espace, je ferai voir que, considérés sous les rapports
d'un seul sens tel que celui de l'ouïe, que j'ai décrit dans les volumes de l'Académie
Royale des Sciences ( i), ou d'un seul organe tel que celui de la voix, dont j'ai exposé la
structure dans le même recueil (2), les animaux peuvent être rangés dans un ordre méthodique,
avec des caracteres tirés d'une seule de ces parties.
Ce sera en suivant une pareille marche que l'on fera de grands progrès dans l'étude
de ces êtres si peu connus, et dont on n'a décrit encore que l'écorce ou la surface.
L'Anatomie comparée, qui s'exerce sur différents individus qu'elle rapproche et qu'elle
oppose l'un à l'autre, n'est pas la seule à laquelle l'observateur puisse se livrer; il en est
une autre qui mérite aussi son attention; son sujet, quoique plus circonscrit, n'est
pas moins curieux et moins philosophique : elle consiste dans l'examen des organes des
mêmes individus comparés entr'eux. C'est ainsi que les nerfs cemcaux peuvent être
assimilés aux lombaires, les plexus axillaires aux sacrés, les nerfs diaphragm a tiques aux
nerfs obturateurs ; c'est ainsi que les extrémités supériem-es et inférieures, observées dans la
disposition des os, des muscles, des vaisseaux, et des nerfs, paroissent faites sur le même
moule, mais placées en sens inverse par l'opposition de leurs saillies et de leurs angles;
c'est ainsi que j'ai tiré de mes recherches le résultat paradoxal en apparence, mais
(1) Amice 1778., (2) Année 1779.