D I S C O U R S
correspondent à celles de l'anatomie humaine. L'on n'a point encore décrit les articulations,
les ligaments, les muscles, les vaisseaux, les nerfs, les glandes, ni la structure interne
des visceres considérés dans les dilTérentes classes d'animaux. J'ai commencé depuis plusieurs
années ce travail dont les difficultés sont immenses. Je continuerai de m'y livrer
avec courage, espérant que ceux qui l'acheveront un jour avec gloire me sauront quelque
gré de la peine que j'aurai prise pour jeter les fondements d'un édifice dont les matériaux
sont épars ou entassés sans ordre dans des constructions vicieuses, ou cachés encore
dans le sein de la nature.
L'art de la dissection du corps humain doit ses progrès aux efforts de plusieurs siecles.
Les anciens anatomistes n'avoien t point imaginé de briser les os pour y suivre la route des
nerfs : ils n'avoient point rempli les vaisseaux d'un fluide dont les parties les plus déliées,
s'échappant par les extrémités capillaires, semblent reproduire le méchanisme des sécrétions
dans un corps inanimé : ils n'avoient point vu le mercure communiquer aux réseaux
qui le contiennent son brillant,.ses reHets et sa souplesse: ils n'ont point connu ces milliers
de vaisseaux dont les membranes, transparentes comme la lymphe qu'elles contiennent,
ont échappé si long-temps aux yeux des observateurs. Toutes ces découvertes, tous
ces moyens, perfectionnés par la main du temps, sont apphcables à l'anatomie des animaux.
Les fautes commises dans la dissection du corps humain nous seront toujours présentes,
et leur souvenir nous avertira de les éviter. Des préparations trop longues, des
divisions trop subtiles, ont soirvent conduit à de faux résultats. L e corps muqueux et l'épiderme
ne sont qu'une seule et même substance : à for ce de les tourmen ter, on les a séparés.
L e scalpel de Ruysch a trop multiplié les membranes. Wei tbrecht , en décrivant plus de
cent ligaments dans la main, est devenu minutieux, diffus et obscur. L' injection, poussée
avec trop de force et d'abondance dans la rate, y a produit des épanchements que la nature
désavoue. Coschwitz, NUCK, et Valsalva lui-même, ont pris des vaisseaux sanguins,
l'un pour un conduit excréteur, les deux autres pour des vaisseaux lymphatiques. Ces
erreurs des yeux les plus exercés nous ont toujours inspiré la plus grande défiance de
nous-mêmes dans un genre danatomie oil, marchant presque sans guide, nous devons
toujours craindre de nous égarer.
Écoutons les maîtres de l'an. Ils nous disent que les muscles doivent être décrits dans
leur situation respective et par couches ; qu'il faut distinguer ceux qui s'attachent aux os
dans une grande étendue d'avec ceux dont les seules extrémités s'y inseront; que lastructure
intérieure de ces organes, et le trajet des tendons dans leurs chairs, ne sont point
assez connus ; que les viscères doivent être vus en place et dans tous les sens possibles ;
qu'il ne faut point borner à une seule position le corps que l'on disséqué ; qu'il convient
de lui en donner plusieurs et dobserver ce qui se passe dans chacune d'elles ; que les
vaisseaux ef les nerfs doivent être démontrés avec toutes leurs connexions ; enfin ils nous
disent que la recherche des glandes conglobées mérite une grande attention, parcequ'elles
annoncent toujours la présence des vaisseaux lymphatiques.
Avertis par ces réflexions, gardons-nous sur-tout d'infecter un monde nouveau en y
répandant de vieifles opinions ou des systèmes. Profitons de l'exemple, sans nous en
rendre esclaves : considérons Zinn, MecKel . Haller, Albinus, lorsqu'ils ont surpassé leurs
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prédécesseurs dans la dissection de l'oeil, du nerf de la cinquième paire, du diaphragme,
des tuniques des intestins, et de la valvule du coecum. Qu'ont-ils fait ? ils ont imaginé des
coupes et des préparations nouvefles; ils ont porté dans leurs recherches cette liberté
d'esprit sans laquefle f h omme n'a rien et ne fait rien qui lui appartienne, et par laquelle,
devenu propriétaire de ses travaux et do ses pensées, il crée au lieu d imi ter, et commande
aux préjugés au lieu de s'y asservir.
Ces réflexions nous tracent une befle route : mais nous avons tant d'observarions à
faire, tant de précautions à p rendre, et l'erreur nous menace de tant de côtés, que nous
sentons en même temps redoubler nos inquiétudes ; el les augmentent sur-tout à la vue
d u regne vivant, qui se montre ici dans tout son ensemble. L e résultat de notre premier
discours a été d'oflrir le tableau des fonctions ou caractères propres aux corps organisés.
Déterminons ici quels sont, dans chaque grande classe de ces êtres, tels que l'histoire
naturelle nous les présente, les genres les plus frappants par leurs difl'érences anatoniiques,
et quels principes doivent nous diriger dans cette étude.
Les formes des pieds et des doigts des quadnipedes ont de grandes liaisons avec celles .Q,iidn,peJdi.
de l'avant-bras et de la jambe. Nous connoîtrons par leur examen les rapports de l'animal
avec le sol qui le soutient, avec le milieu où fl vit, et avec les coips dont il est environné.
L a tête, qui renferme les organes des sens les plus déliés, se montre aussi sous divers
aspects.Tantôt courte et arrondie, comme dans l 'homme, c'est parle milieu de sa base
qu'efle s'articule avec la premiere vertebre du col : tantôt alongée par l'extension des
mâchoires, c'est son exnémité postérieure qui se meut sur le col (1). L a face est alors
très oblique; et tandis que son volume s'accroît, celui du crâne diminue : mais les ouvertures
qui donnent passage aux nerfs s'élargissent en même proportion. Par im contraste
frappant, à mesure que le cerveau se rapetisse, la grosseur des cordons nerveux qu'il
fournit augmente ; les muscles, les divers organes, et les visceres plus renflés et plus
robustes, ont besoin d'un mobUe plus énergique, ou d'un aiguillon plus puissant, et le
cerveau des animaux semble se borner à ces usages.
L a clavicule est un os dont plusieurs sont privés, et qui varie dans ses formes. La langue,
l'os hyo'ide, et toutes les parties organiques qui servent à la digestion, ont des rapports
constants avec les substances alimentaires de divers genres. Plus on s'éloigne de
l'homme, plus aussi les scissures des grands visceres sont nombreuses et profondes. Le
coeur, situé presque transversalement sur le diaphragme humain, s'incline dans le singe ;
sa pointe se rapproche du scemum dans les fissipedes ; dans les solipedes et dans les bisulques,
il est suspendu presque verdcalenient sur cet os, et, dans le mouvement que l'oeil
de l'observaleur lui voit faire en parcourant, depuis l'homme jusqu'au cheval, la série
de ces animaux, on peut estimer à-peu-près à un quart de cercle l'espace qu'il a parcouru;
les poumons agissent sur l'air atmosphérique, et ils sont les foyers 011 sedégage la chaleur;
l'air, modifié dans le laiynx, transmet au loin les sons dont le corps est agité ; c'est par
l'intermede de l'oreifle que les divers animaux en sont avertis; e t , comme ces organes se
correspondent, il faut les opposer les uns aux autres et les comparer entre eux. L e nombre
et la grosseur des mamelles sont également proportionnés à l'étendue des cornes
CO C'eslàM. d'Aiibcnton qu'appartient cette remarque sur l'ailiciitalion de la tête avec l'atlas.